Comment un Merle blanc se joua d’un renard trop gourmand ...
- Une légende de Bretagne (Ille et Vilaine): la légende du merle blanc :
Une légende affirme qu’il y avait, autrefois, à la ferme du Vert-Buisson, dans la commune de Bruz, un merle blanc qui chantait tant et si bien qu’on venait de très loin pour le voir et l’entendre. Un jour, un renard qui le guettait depuis longtemps, rattrapa et allait le croquer comme un failli pierrot, lorsque l’oiseau prit la parole...
Le merle blanc lança au renard : « Si tu veux me laisser la vie sauve et me rendre la liberté je te ferai faire un copieux déjeuner demain matin. C’est jour de marché à Rennes, les passants sur la route seront nombreux, ils auront des provisions de toutes sortes, et je réponds que tu feras un repas dont tu te souviendras longtemps. » Le renard accepta.
Le lendemain, en effet, une bonne femme qui se rendait au marché, portait dans un panier, des œufs et des volailles. Tout à coup elle aperçut, sur le revers d’un talus, le merle blanc qui semblait blessé. Elle courut pour le prendre ; et dans sa précipitation renversa son panier, brisa ses œufs et jeta ses volailles dans le fossé. L’oiseau s’envola, et le renard, dans une haie, ne fit qu’un bond sur un superbe coq qu’il emporta dans sa tanière.
Lorsqu’il eût déjeuné, le merle qui l’avait accompagné, lui dit :
— Maintenant que te v’là rassasié, veux-tu rire un brin ?
— Volontiers.
— Eh bien suis-moi.
Et il emmena le renard dans le sentier d’un petit bois où il était impossible à deux hommes de marcher de front. « Cache-toi dans un buisson, lui dit-il, et tu vas voir quelque chose de drôle tout à l’heure. » Bientôt, en effet, arrivèrent deux marchands de verres et de faïences qui portaient leurs hottes sur le dos, et marchaient, l’un suivant l’autre, dans l’étroit sentier.
Le merle, lui, chantait sur le haut d’un chêne pour attirer leur attention. Soudain, il descendit de son arbre et alla se percher sur la hotte du premier marchand. Le second des voyageurs, en voyant cela, se dit en lui-même : « Ah, par exemple c’est tout de même trop d’audace, tu vas la gober. »
Et il leva son bâton pour frapper l’oiselet qui s’esquiva adroitement. Mais le coup avait porté tellement fort sur le panier d’osier, que de nombreux verres et écuelles furent brisés. Le premier marchand se détourna et, furieux, s’élança sur son compagnon en frappant lui aussi de toutes ses forces sur la marchandise du pauvre diable, victime du méchant oiseau, qui vit avec tristesse ses écuelles et ses verres réduits en miettes. Devinez si les deux animaux, cachés dans le bois, riaient à gorge déployée !
Une autre fois, le merle s’étant encore laissé prendre par le renard, lui dit :
– Laisse-moi la vie et rends-moi la liberté ; je te promets un déjeuner meilleur que celui de l’autre jour.
— Je le veux bien, répondit le renard, j’ai confiance en toi parce que tu ne m’as pas trompé jusqu’ici.
— Alors, écoute-moi bien : il y a dans la cour de la ferme de l’Ecorbière, près de la rabine de Blossac, une toute petite maison où une poule va, chaque matin, pondre un œuf. Il te suffira d’y aller de bonne heure, pour t’emparer de la poule et de ses œufs.
Dès le lendemain, avant que le jour fut levé, le renard alla rôder dans la cour de la ferme, et se glissa dans le fond de la loge du chien de garde. Ce dernier, un gros mâtin qui ne dormait que d’un œil, couché à deux pas sur un fumier, s’élança devant la porte de son gîte pour empêcher son ennemi d’en sortir. Lorsque le renard voulut se sauver, le chien l’étrangla d’un seul coup de mâchoire.
A partir de ce jour, on entendit le merle blanc siffler, matin et soir, dans les lauriers de la ferme du Vert-Buisson.
Source: https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article8117
(D’après « La Tradition », paru en 1903)
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