La chasse des grives au poste à feu.
Mes premiers postes à feu: 3 - Postes de chasse à Montfavet (84).
3 - Postes de chasse à Montfavet (84).
A - Entre le monastère de La Verdière et le lieu-dit Bigonnet
30 mai 2021
... C'était une machine de guerre, une véritable barre à mines que mon oncle Jean-Marie exhibait ce matin-là.
L'engin devait bien peser 3,5 kg. Pas de longuesse en bois, mais 2 clefs qui permettaient, l'une le verrouillage et le déverrouillage de l'arme et l'autre le démontage du fusil. Deux énormes chiens extérieurs, une paire de canons juxtaposés très longs, une crosse massive «ferrée», telle un cheval de trait, d'une plaque de couche métallique, qui, si elle protégeait le bois, était propre à vous démonter l'épaule...
Cette vénérable arquebuse de calibre 12 avait appartenu au beau-père de mon oncle qui venait d’en hériter.
Donc, par ce petit matin froid et gris de janvier, après avoir admiré, épaulé, soupesé la vénérable pièce d'artillerie, nous voilà tous deux installés, chacun dans notre poste, de part et d'autre d'un large fossé bordé d'acacias (au vrai: robiniers faux acacias).
Les deux postes, confectionnés avec des cannes de Provence, en forme de tipi indien, étaient disposés de part et d'autre du fossé, en décalé bien sur.
Cette disposition nous permettait ainsi de contrôler la totalité des arbres de pose.
En même temps, il était possible à chacun d'observer le poste de l'autre.
La première pose se produisit juste sur un arbre situé à l'extrême droite du tipi de mon oncle.
Cette grive, je l'avais vu arriver et elle n'était pas pour moi...
Attente !, je vois le canon de l'arme dépasser nettement de la meurtrière. Quand même, il est un peu lent à tirer, l'oncle !
Enfin, un bruit de tonnerre !, l'oiseau tombe ! Mais, je ne vois pas mon oncle sortir en courant chercher la grive comme il le fait d'habitude. Et soudain, je vois le canon fumant, s'abattre lentement entre les cannes...
Il s'est produit quelque chose ! Un accident ! le canon trop ancien a explosé !
Je me précipite au secours de mon oncle et je le vois sortir du poste, en se tenant la tête entre les mains, du sang sur le visage.
Il m'explique alors brièvement ce qu'il s'est passé: pour ajuster la grive posée sur le dernier arbre, à l'extrémité de la ligne, il n'avait pas pu épauler correctement, ni caler la crosse contre son épaule et sa joue et en pressant la détente, l'arme lui avait littéralement sauté à la figure en ruant comme une mule !
Les dégâts étaient impressionnants: le nez et l'arcade sourcilière en sang mais heureusement, apparemment, rien de cassé.
Voilà une séance qui aurait pu se terminer beaucoup plus mal !
En tout cas, le "nouveau" fusil avait été étrenné et d'une façon cuisante !
RG
Mais qu'est ce qu'il est moche !
Cerné par une immensité de pommiers.
Particulièrement bien situé ( c'est LE coin des chachas ) !
Mais, alors, qu'est ce qu'il est moche !
Mes premiers postes à feu: 2 - Les trois postes.
2 - Les 3 Postes (Morières, 84)
... 2 novembre 2019, bon, c'est reparti pour la deuxième histoire !
En ces temps-là (j’avais 17-18 ans), mon oncle Jean-Marie, mon oncle Jacques et moi-même avions formé une association ayant pour objectif la pratique de la chasse des grives au poste à feu.
Convaincus que l’une des clefs du succès résidait dans la possession d’un grand nombre d’appelants, nous mettions une somme assez importante en commun afin d’acquérir au marché aux oiseaux de Carpentras des tourdres (1), des quines (2), des merles et des kiakias (3), soit, au total, 24 ou 25 oiseaux.
Les appelants étaient « basés » à la ferme, chez mon oncle Jean-Marie qui s'occupait de leur entretien, à charge pour Jacques et moi de payer leur alimentation.
J’utilisais parfois, en semaine, 4 ou 5 appelants seulement au poste du pérussier (*), mais ce n’est que le dimanche matin que nous sortions le « grand jeu ».
Nous étions trois. Il nous fallait donc trois postes, compte tenu de la configuration du terrain.
En effet, les arbres de pose formaient une haie d’une cinquantaine de mètres de longueur. Cette haie était située au fond d’un petit vallon aux pentes douces, en contrebas du poste du pérussier (*). L’un des coteaux était planté en vigne (elle appartenait à mon oncle Jean-Marie), le fond du vallon était légèrement humide (fossé de drainage) et non cultivé.
Le dispositif « stratégique » adopté était le suivant :
- deux postes dans la vigne : celui de Jean-Marie et celui de Jacques.
- un seul poste de l’autre côté de la haie d’arbres : le mien.
Ainsi, nous tenions la totalité de la haie.
Ces postes à feu étaient très rustiques. Confectionnés avec des perches, ils avaient la forme d’un «tipi» indien, la couverture étant assurée par des branches de cyprès qui dissimulaient bien le chasseur.
L’inconvénient, c’était les lendemains de jours de pluie. Douche assurée en entrant et en sortant du poste et en prime, le goutte à goutte sur la tête et dans le cou durant l’attente…
J’ai bien précisé, plus haut, que ce n’était que le dimanche matin que nous sortions le « grand jeu »… Or, dans la famille, aller à la messe du dimanche était une obligation. Impossible d'y couper, même pour la chasse. Comment, alors, concilier les deux, puisque la grand-messe était célébrée à 10 h 30 ?
La solution, c’était mes oncles qui l’avaient trouvée. Oui, il était possible de passer la matinée au poste et d’assister à la sacro-sainte messe ! Et ce moyen c’était d’aller à Avignon, à la chapelle des Franciscains, tout près du Lycée Mistral. Mais il fallait y être vers les 6 h 30 du matin !!!
Donc, tous les dimanches matin, pendant la période de la chasse au poste, rendez-vous était donné à 6 h pile, à la ferme, chez mon oncle Jean-Marie. On mettait les appelants et les fusils à l’arrière de la camionnette Peugeot et on filait à toute vitesse vers Avignon.
En ces temps-là, il y avait très peu de circulation et guère de feux rouges. On garait la Peugeot devant le Lycée, la Maison du Seigneur n’était qu’à quelques pas. Heureusement que cette messe était fort courte. Le « Ite missa est » à peine prononcé, nous étions déjà sur la route, fonçant vers (si je peux me permettre) la Terre Promise…
En cahotant, la camionnette traversait l’emprise de la future autoroute A7, bringuebalait sur le chemin qui serpentait entre les vignes pour enfin s’arrêter au niveau du pérussier .
Vite, vite, on disposait les cages d’appelants, tantôt sur des ceps de vigne, tantôt en les accrochant aux clous prévus à cet effet sur les troncs des arbres puis chacun prenait son fusil et allait s’installer dans son poste.
Le jour se levait, nous étions fin prêts et le Seigneur était avec nous...
RG (© des grives aux merles blog4ever.com)
Notes:
(*) Pérussier: en provençal: poirier sauvage.
(1) Tourdres: en provençal, grive musicienne.
(2) Quines: il s'agit de la grive mauvis.
(3) Kiakias: appelé aussi "chacha", c'est la grive litorne.
Je n'ai pas mentionné le (ou la) serre qui est la grive draine, plutôt rare dans les collines rhodaniennes.
Addenda:
Les jours où les poses étaient rares, je surveillais le poste de mon oncle Jean-Marie. Des pinsons se posaient souvent sur l'arbre qui lui faisait face, je savais que mon oncle guettait le moment où les oisillons seraient assez proches les uns des autres pour que cela vaille la peine de "griller" une cartouche.
Je savais aussi qu'il ne tirerait que s'il y avait au moins 3 oiseaux cote à cote...
"Ah, en voilà deux; mince!, le troisième s'est posé un peu trop loin,... attendons...", se disait-il, "il va se rapprocher". Effectivement, le troisième se rapprochait bien, mais cela déclenchait très souvent le départ de l'un des deux premiers...
RG (© des grives aux merles blog4ever.com)
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Mes premiers postes à feu: 1 - Le poste du pérussier.
Le texte qui suit est le tout premier d’une série consacrée aux postes à feu de ma jeunesse.
Je fus initié à ce mode de chasse par mes 3 oncles : Jean-Marie et Michel D. ainsi que mon oncle Jacques B.
Un demi-siècle plus tard, je garde un souvenir intact des lieux et des émotions ressenties et il me semble revoir et entendre encore les voix et les chuchotements de mes oncles.
C’est à, eux que je veux rendre hommage car ils m’ont initié à ce qui allait devenir une des passions de toute une vie.
RG
Sommaire:
1- Le Poste du Pérussié (Morières, 84)
2 - Les 3 Postes (Morières, 84)
3 - Postes de chasse à Montfavet (84)
4 - Poste du Claux d'Abrès (Morières, 84)
1- Le Poste du Pérussié (Morières, 84)
Créé par mon oncle Michel, c’est là que je fis mes débuts et découvris les joies du poste à feu.
C’était un poste très rustique, fait de branches entrelacées et solidarisées avec du fil de fer. De grosses branches de cyprès bien vertes venaient le recouvrir et dissimuler ainsi totalement le chasseur à la vue des oiseaux.
Il était situé sous un poirier sauvage (un pérussié comme on dit en provençal) bardé d’épines ce qui contribuait au mimétisme de l’ensemble.
Les arbres de pose, des ormeaux malingres, étaient peu élevés, mais bien situés, dominant, du haut du coteau une vigne toute en longueur qui appartenait à mon grand-père.
Avantage non négligeable, la relative proximité des arbres me permettait d’utiliser une carabine calibre 12 m/m.
A l’époque, fin des années 60, n’ayant pas encore de voiture, j’utilisais un Solex. Les appelants, je les transportais dans une cagette recouverte d’un vieux sac de jute, arrimée sur le porte-bagage avec des sandows. Carabine et gibecière en bandoulière, je quittais Montfavet très tôt le matin alors qu’il faisait encore nuit.
Tout se passait bien jusqu’à l’arrivée au bas de la colline. A partir de là, le moteur du Solex atteignait ses limites et il me fallait pédaler pour le « soulager » un peu, et parvenir, enfin, au cabanon de mon grand-père, au bas de la vigne. J’y abandonnais alors mon fidèle destrier. Restaient tout de même 200 à 300 mètres de chemin de terre en pente à parcourir à pied jusqu’au poste, chargé et harnaché comme un baudet.
Assez bon pour les premiers tourdres, ce poste s’avérait vite peu productif. Aussi, je tentais d’augmenter l’attractivité de mes appelants à l’aide d’un petit tourne-disques fonctionnant sur piles qui diffusait le ramage de la grive musicienne jusqu’à plus soif (ce procédé était à l’époque parfaitement légal).
Comme il y a prescription, je dois avouer que j’y tirais également des pinsons et des tarnagas (pies-grièches écorcheurs), ce qui était légal en ces temps bénis…
Le sort du poste fut scellé le jour où, malencontreusement, un de mes oncles abattit l’arbre de pose principal.
Aujourd’hui, le remembrement a fait son œuvre. Le vieux poirier sauvage a été abattu, plus aucune trace du rountau (tertre pierreux) où s’élevaient les ormeaux, les sebisso (brise-vents de cannes de Provence) qui bordaient les petites vignes ont disparu pour laisser place à un vignoble hérissé de piquets de fer galvanisé.
Le poste du pérussiè n’existe plus que dans mon souvenir…
RG
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Un poste inachevé...
C'est une petite vallée, encadrée par des bois épais, sauvage et à l'écart du passage des hommes.
Quelques cultures, des arbustes chargés de baies et des friches.
Et au milieu, coule un ruisseau tout embroussaillé et bordé de grands arbres couverts de lierre...
De la petite route, le poste est peu visible, on le devine plus qu'on ne le voit.
Il faut se rapprocher:
-Vue avant-
-vue arrière-
-"l'intérieur"-
Je résume: il est construit en surplomb du ruisseau grâce à 2 madriers disposés en V reposant sur la rive et arrimés à un gros chêne qui émerge du lit du cours d'eau. Pas de toit, enfin pas encore, une sorte de garde-fou du coté du vide. Il a l'air d'être bâti de bric et de broc, mais c'est du solide.
-les arbres de pose-
Compte tenu de la distance et de la hauteur des arbres, le gros calibre (cal. 12) y est obligatoire.