Des grives aux merles

Des grives aux merles

Divers.


Lectures d'été: Chasse à l'éléphant au XIXe siècle.

Juillet 2014.

J'étais alors modérateur sur un site fabuleux, dédié à la grive et à ses chasses: Grives.net pour ne pas le nommer.


Eté 2014, bien chaud ! Les grives étaient loin.... Le site ronronnait... 


J'avais alors décidé de faire profiter les membres de Grives.net d'un passage particulièrement palpitant de l'excellent livre de Wilbur SMITH : « L’œil du faucon».

Passage si palpitant que je l’avais lu et relu plusieurs fois.

 

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Eté 2025 (encore plus chaud qu'en 2014 !!).

 

 

J'ai décidé de reprendre ce récit et de le partager avec vous qui ne l'avez peut-être pas lu.

Je précise qu’il ne s’agit que d’un extrait du livre de W. SMITH.

Sans doute vous donnera t'il l'envie de lire l’œuvre dans son intégralité, elle en vaut vraiment la peine.

RG

 

xxxxx

 

Résumé: 

L’action se déroule durant la 2e moitié du XIXe siècle, en Afrique Australe et plus précisément dans ce qui devait s’appeler plus tard le Zimbabwe, alors inexploré par les Blancs. Le Major Zouga Morris Ballantyne est devenu chasseur professionnel d’éléphants (autre temps, autres mœurs !!). A cette époque, les moyens sont les suivants : une armada de porteurs, des chariots tirés par des bœufs et comme armes, des fusils à chargement par la gueule, poudre noire et balles en plomb durci au mercure. Le calibre ? 10, 8, voire même le calibre 4.
La technique est simple, s’approcher le plus près possible de l’animal sans être détecté et lui loger une balle dans un endroit vital. Des porteurs de fusils fiables et sachant recharger rapidement sont plus que nécessaires…..
Zouga Ballantyne, escorté de son guide Hottentot Jan Cheroot, et de 4 porteurs de fusils qu’il a surnommés : Jean, Luc, Mathieu et Paul s’est lancé à la poursuite d’un gigantesque et très vieil éléphant aux défenses immenses. Le patriarche est escorté par un autre male (askari) chargé de le protéger. Les conditions climatiques sont exécrables, mais Zouga est pris par le démon de la chasse et il s’élance à la poursuite de l’animal….

 

calibre 4 double à percussion.png

Calibre 4 juxtaposé, percussion, H. Beckworth (1864-1868)

 

 

….A 150 mètres de Zouga, le vieux mâle rejoignit les traces des hommes qui l’arrêtèrent comme s’il avait heurté un mur de verre. Il se ramassa sur son train arrière en arrondissant le dos et levant haut sa tête armée d’ivoire ; ses oreilles en lambeaux soudain déployées comme la grand-voile d’un majestueux navire claquaient avec un bruit de tonnerre contre ses épaules….
Jan Cheroot mit un genou à terre et leva rapidement son mousquet. Au même instant, l’askari marqua un temps d’arrêt et obliqua vers la gauche en croisant la trajectoire de son leader. Peut-être cela avait-il été intentionnel, mais ni Zouga, ni Jan Cheroot ne le pensaient. Ils savaient seulement que le cadet se plaçait sur leur ligne de feu et protégeait l’autre éléphant de son corps.
« Tu le veux ? Eh bien, prends ! » cria Jan Cheroot furieux, sachant qu’il avait perdu trop de terrain en s’arrêtant pour épauler.
Il visa la hanche et le mâle chancela. Des particules de boue rouge jaillirent au point d’impact de la balle, et il ralentit l’allure pour ménager son articulation endommagée en s’écartant de sa route et présentant son flanc aux chasseurs, tandis que le grand mâle poursuivait sa course.
Zouga aurait pu tuer l’éléphant blessé en visant le cœur, car l’animal avait pris un trot trainant et se trouvait à moins de 30 pas, mais il passa à sa hauteur sans s’arrêter et lui accorda à peine un regard, sachant que Jan Cheroot achèverait la besogne. Il poursuivit le grand mâle, mais malgré tous ses efforts, il perdait régulièrement du terrain.

 

…. Devant eux s’ouvrait une légère cuvette, et au-delà, le terrain remontait vers une autre crête sur laquelle des tecks sauvages se dressaient sous la pluie comme des sentinelles. L’éléphant descendit la déclivité sans perdre de sa vitesse et allongea même sa foulée, si bien que ses pas résonnaient comme le battement régulier d’une grosse caisse et que l’écart se creusait avec son poursuivant, puis, parvenu au fond de la cuvette, il parut stopper son avance.
Le sol détrempé n’avait pas supporté son poids et, enfoncé presque jusqu’aux épaules, il était obligé de se projeter avec violence en avant à chaque pas pour s’extraire de la boue collante….
Zouga se rapprocha rapidement, et l’exultation pris le pas sur la faiblesse et la fatigue. L’ivresse du combat s’empara de lui. Il atteignit le terrain marécageux tandis que le grand mâle se débattait toujours.
Zouga se rapprochait inexorablement. A moins de 20 mètres, il s’arrêta enfin, en équilibre sur un îlot formé par de hautes herbes…..
Il ne pouvait plus commettre d’erreur cette fois…. Il savait où se trouvaient les organes vitaux et les points vulnérables dans la messe gigantesque du corps de l’éléphant. A cette distance et sous cet angle de tir, la balle devait fracasser la colonne vertébrale entre les omoplates sans perdre de sa vitesse et poursuivre sa trajectoire jusqu’au cœur et aux artères qui alimentent les poumons.
Il effleura la gâchette ultrasensible et, avec un « pan ! » de carabine-jouet, le fusil fît long feu…
Zouga atteignît la terre ferme, jeta son arme inutile et, trépignant d’impatience, cria à ses porteurs de lui apporter un autre fusil.

 

calibre 6 monocanon percussion.jpg

Calibre 6, un coup, percussion

 

« Dépêche-toi ! Dépêche-toi ! » hurlait Zouga.
Il prit le fusil des mains de Mathieu et s’élança à la poursuite de l’éléphant….
Zouga courait en faisant appel à toute sa volonté, pendant que derrière lui, Mathieu ramassait l’arme qu’il avait jetée et la rechargeait machinalement, emporté par l’excitation de la poursuite.
Il versa une autre poignée de poudre noire sur la charge et la balle qui se trouvaient déjà dans le canon et bourra une seconde balle de plomb d’un quart de livre sur le tout. Ce faisant, il transformait le fusil en une bombe qui pouvait estropier ou même tuer le tireur. Mathieu glissa une amorce sur la cheminée et escalada la pente à la suite de Zouga.

 

L’éléphant approchait de la crête et Zouga ne gagnait guère de terrain. Il était à bout de forces…… Sa vision se brouillait, il trébuchait et glissait sur les rochers couverts de lichen humide, la pluie lui battait le visage et l’aveuglait. A une soixantaine de mètres devant lui, le grand mâle atteignît la crête et fit alors ce que Zouga n’avait encore jamais vu faire par un éléphant traqué : les oreilles dressées, il se tourna de coté pour regarder les chasseurs et leur présenta le flanc…….
Pendant un moment il resta ainsi, dressé de toute sa hauteur sur le fond du ciel gris, luisant de boue et de pluie ; la déflagration résonna comme une grosse cloche de bronze, la longue langue de flamme rouge brilla brièvement dans la semi-obscurité et la balle l’atteignit à l’épaule.
Le coup fit chanceler l’homme et la bête, Zouga déséquilibré par le recul, l’éléphant percuté par la balle en pleine poitrine et ployant son arrière-train, ses vieux yeux chassieux se fermant sous le choc.
Malgré la violence de l’impact, le grand mâle resta debout ; il rouvrit les yeux et vit l’homme, cet animal détesté, nauséabond et obstiné qui le persécutait avec acharnement depuis tant d’années.
Il s’élança vers lui comme une avalanche de granit et ses barrissements se répercutèrent contre le ciel bas ; Zouga se retourna et s’enfuit devant la charge tandis que le poids de l’animal tout proche faisait trembler la terre sous ses pieds.

 

Mathieu resta en position malgré le terrible danger. Zouga lui en fut immensément reconnaissant. Il accomplissait son devoir et tendait le second fusil à son maître.
Zouga le rejoignit, l’éléphant sur ses talons, lâcha son arme encore fumante, arracha le fusil des mains de Mathieu, sans se douter un seul instant qu’il contenait une double charge, et fit volte-face en tirant le chien et en épaulant.
L’énorme animal était sur lui, cachant le ciel de sa masse, ses longues défenses dressées comme des troncs d’arbre, sa trompe se déroulant déjà pour saisir Zouga.
Zouga appuya sur la gâchette, et cette fois-ci le coup partit. Avec un bruit épouvantable, le canon explosa et s’ouvrit comme les pétales d’une fleur, la poudre lui brûla le visage et la barbe. Le chien arraché lui lacéra profondément la joue juste sous l’œil droit ; l’arme lui échappa des mains et lui enfonça l’épaule avec une telle violence qu’il sentit les ligaments et les tendons se déchirer. Il fut culbuté en arrière et se retrouva hors de portée de la trompe meurtrière.

Il tomba lourdement derrière un tas de pierres, l’éléphant s’arrêta, accroupi sur ses pattes de derrière pour éviter la flamme et la fumée de l’explosion, un instant aveuglé, puis il vit le porteur de fusil, toujours debout devant lui.
Le pauvre, le brave et fidèle Mathieu se mit à courir, mais l’éléphant le rattrapa avant qu’il ait parcouru 10 mètres. Il le saisit par la taille avec sa trompe et le projeta en l’air comme s’il avait été aussi léger qu’une balle en caoutchouc. Mathieu monta à une douzaine de mètres en battant des bras et des jambes, ses cris de terreur couverts par les barrissements assourdissants. On eût dit le sifflement d’une chaudière surchauffée par un machiniste fou, et Mathieu parut s’élever lentement dans les airs, rester suspendu un instant puis retomber au ralenti.
L’éléphant le rattrapa au vol et le renvoya encore plus haut.
Zouga réussit à s’asseoir. Son bras droit pendait inerte, le sang coulait à flots de sa joue et inondait sa barbe, ses tympans étaient si traumatisés par l’explosion que les cris de l’éléphant lui semblaient lointains et étouffés. A moitié groggy, il leva les yeux et vit Mathieu monter très haut puis retomber lourdement et l’éléphant commencer à le tuer.

Se détournant de ce macabre spectacle, Zouga posa le fusil vide sur ses genoux et entreprit de le recharger de la main gauche.
A vingt pas de lui, l’éléphant s’agenouillait au-dessus du corps décapité et lui plongeait une défense dans le ventre.
Zouga parvint péniblement à verser une poignée de poudre dans la gueule de son fusil en s’efforçant de ne pas se laisser distraire de sa tâche.
L’éléphant leva sa trompe et l’enroula comme un python autour du corps martyrisé de Mathieu qui pendillait empalé sur la défense rouge de sang.
Zouga laissa tomber une balle dans le canon et la bourra d’une main avec son refouloir.
L’éléphant arracha un bras du cadavre qui glissa de la trompe et retomba par terre.
Gémissant de douleur, Zouga pointa son arme et tira le chien dont le puissant ressort résistait.
Agenouillé sur ce qui restait de Mathieu, l’éléphant le réduisait en bouillie en l’écrasant contre la roche.
En tirant son arme avec lui, Zouga rampa jusqu’au tas de pierres derrière lequel il était tombé. Toujours de la main gauche, il y posa en équilibre la crosse du lourd fusil.
L’animal continuait de pousser des cris furieux tout en poursuivant sa besogne.
A plat ventre, Zouga visa, mais d’une main, il était quasiment impossible de maintenir l’arme dans la bonne position et sa vision s’embuait et tremblotait sous l’effet de la douleur et de l’épuisement.
Pendant un instant, la mire se trouva alignée avec l’œilleton, et il laissa partir le coup.

Les barrissements de l’éléphant s’arrêtèrent brusquement. Quand la fumée fut emportée par la brise, Zouga vit que le grand mâle s’était péniblement redressé et se balançait d’un pied sur l’autre. Sa tête massive s’affaissait sous le poids de ses défenses maculées de sang et sa trompe pendait aussi mollement que le bras blessé de Zouga.
Un bourdonnement lugubre s’échappait de la poitrine de la bête et, au rythme de son énorme cœur, son sang jaillissait par jets réguliers de la blessure ouverte par la deuxième balle juste derrière l’articulation de l’épaule et coulait le long de son corps en un flot épais comme du miel.
L’animal se tourna vers l’endroit où Zouga était allongé et se dirigea vers lui en soufflant comm
e un vieillard épuisé et en agitant l’extrémité de sa trompe, mû par un reste d’instinct guerrier.

Zouga essaya de s’éloigner en rampant mais fut rattrapé par l’éléphant et, tandis que l’énorme masse cachait tout le ciel au-dessus de lui, la trompe toucha sa cheville. Malgré ses coups de pied frénétiques, le pachyderme resserra sa prise avec une force insupportable, Zouga savait qu’i allait lui arracher la jambe.
Puis la bête grogna en exhalant l’air de ses poumons déchirés, l’étreinte autour de la cheville de Zouga se relâcha et le vieux mêle mourut à ses pieds ; ses jambes s’affaissèrent sous lui et il s’écroula.
Son poids fit trembler la terre sous le corps prostré de Zouga, et Jan Cheroot, qui traversait le passage marécageux à un kilomètre de là, entendit distinctement le bruit mat de la chute.
Zouga laissa tomber sa tête sur la terre, ferma les yeux et les ténèbres l’engloutirent.

 

 chasse à l'éléphant en 1888.jpg

 

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 Ce récit est tiré, comme indiqué au début, d’un roman de W. SMITH. Pour l’écrire il s’est inspiré de la vie d’un chasseur “professionnel” Frederic Courtney SELOUS dont les aventures cynégétiques dépassent largement la fiction.

Pour plus d’info. voir ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Frederick_Courtney_Selous 

ou ici (pub gratuite):  https://www.montbel.com/selous-la-longue-piste-de-l-ivoire-c2x35194511

 

- A propos de Wilbur Smith:

Né le  9 janvier 1933 à  Broken Hill en  Rhodésie du Nord (Zambie) et mort le 13 novembre 2021 au  Cap ( Afrique du Sud), W. Smith est un  écrivain et  romancier sud-africain et britannique de langue anglaise.

Il a écrit plus de 50 romans d'aventures, souvent centrés sur l’Afrique, l’histoire, et les grandes épopées humaines.

Cf la liste de ses œuvres:  https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilbur_Smith 

 

Avertissement aux lecteurs : Attention, la lecture de l'œuvre de W. Smith est extrêmement addictive, nuits blanches garanties !!!

 

 

 

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06/07/2025
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Omelette aux asperges sauvages

20 Mars 2025

 

La chasse aux asperges sauvages, c'est parti !

Petite récolte toutefois, il est vrai que le temps s'y prête guère.
Mais c'est un début, on fera mieux la prochaine fois.

 

 

asperge-recolte.jpg Nom latin: asparagus acutifolius, l'asperge sauvage est très répandue sur le pourtour méditerranéen. En Provence on l'appelle "roumanieù-counieù".                               

Récolte: de la mi-Février à la fin du mois d'Avril.                                                                                                             

 

 

 

 

 

 

Ingrédients:
 
1 bouquet d’asperges sauvages

 

4 œufs

 

2 échalotes

 

20 g de beurre

 

2 c à s d’huile d’olive

 

2 c à s de parmesan râpé

 

1 pincée de piment d’Espelette

 

Du thym frais fleuri

 

Sel et poivre
 
 
1 A la main, couper les pointes d’asperges ainsi que les tiges d’environ 3 ou 4 cm. Les laver.

 

2 Éplucher et couper en dés très petits, les échalotes. Sur feu doux, les faire revenir dans 2 c à s d’huile d’olive, avec les asperges pendant au moins 5 minutes puis ajouter le beurre et 3 ou 5 fleurs de thym frais, un peu de sel et prolonger au moins pendant 5 à 6 minutes supplémentaires la cuisson en rajoutant 2 cl d’eau et en remuant souvent.
 

3 Pendant que les asperges cuisent, dans un bol, casser 4 œufs, ajouter le parmesan, le sel, le piment d’Espelette. Fouetter bien pour tout mélanger.

 

4 Dès que les asperges sont cuites et fondantes, et qu’il n’y a plus d’eau dans la poêle, ajouter 10 g de beurre et dès qu’il est fondu verser les œufs.

 

5 Laisser cuire doucement l’omelette d’un côté en passant la pointe d’un couteau tout autour. Après 5 minutes de cuisson environ, poser une assiette un tout petit peu plus grande que votre poêle et retourner l’omelette, puis avec précaution la faire glisser dans la poêle pour cuire l’autre face.
 

A servir chaud avec un peu de roquette dessus. On peut, également, déposer une fine tranche de jambon de Parme, la roquette et un fin filet d’huile d’olive.

 

Voilà, ça, c'etait la recette idéale !

 

(Source:  https://partage-gourmand.fr/recipe-view/omelette-aux-asperges-sauvages/)

 


Ne disposant ni de parmesan, ni de roquette, ni de jambon de Parme, voici ma réalisation, toute simple:

 

Tarte salée aux Asperges sauvages.JPG

 

 

 

Et bien, malgré tout, nous nous sommes régalés !!! 

 

 

stock-vector-cute-hungry-emoticon-emoji-smiley-vector-illustration-537460603.jpg

 

 

 

Blogosphère:

 

Beaucoup de sites et de blogs sur internet, à propos de l'asperge sauvage.


L'un des meilleurs, c'est celui de Manou, ici:

 

https://www.bulledemanou.com/2017/03/l-asperge-sauvage-un-legume-de-printemps-typique-de-la-garrigue.html

 

Et cet autre, de Malayen Zubigalla,  vraiment génial:

 

https://www.180c.fr/la-gazette/reportages/bac-philo-cueille-asperges-sauvages-dabord/

 

 


25/03/2025
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Annulation du grand rassemblement des chasseurs à Forcalquier.

L'Association Nationale de Défense des Chasses Traditionnelles à la Grive (ANDCTG) et la Fédération Régionale des Chasseurs de Provence, Alpes, Cote d'Azur (FRC PACA) communiquent:

 

Annulation Forcalquier.jpg

 

En souhaitant que ce ne soit qu'un report de date.

A suivre...

 

Source: https://www.chasse-grives.fr/uploaded/communique-annulation-rassemblement.pdf


10/12/2018
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La chasse des grives et le vent en Provence.

    la-rose-des-vents-de-provence (Copier).jpg

 

 

L'extrait ci-dessous, paru en 2002, est tiré de Ruralia, revue de l'Association des ruralistes français, sous le titre: 

 

LE VENT, L’AGRICULTEUR ET LE CHASSEUR. CONNAISSANCES ET MAÎTRISE DU VENT EN PAYS D’ARLES.

 

L'auteure en est Marie-France Gueusquin, chargée de recherches au Centre d'ethnologie française, CNRS (1992).

Ma sélection s'est portée, naturellement, sur ce passage bien précis (passion oblige!).

J'ajoute que, pour les lecteurs férus de Provence et de ruralité, le document mérite d'être lu dans son entièreté.

RG 

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  Le cadre géographique des données analysées ici se situe au nord-ouest du département des Bouches-du-Rhône,au débouché de l'étroit couloir rhodanien d’où un vent froid venu d’entre nord et nord-ouest (le mistral) s’engouffre toute l’année et dont il s’échappe avec une violence extrême. Ce vent, dont la particularité est de s’exprimer par bourrasques, peut atteindre des vitesses s’élevant jusqu’à 230 kilomètres par heure, pointe relevée au sommet du mont Ventoux en 1941...          

 

 ... En basse Provence, le mistral est l’élément météorologique dominant. Il est présent toute l’année, en toutes les saisons. Il peut souffler trois semaines d’affilée, et n’a pas d’heure pour surgir. Il se forme toujours en matinée pour atteindre son maximum aux alentours de midi et tomber en fin de journée, il se rétablit la nuit, mais avec moins d’intensité...

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... On le sait, le Provençal a le goût des oiseaux, et la grive fait partie du gibier le plus estimé. Elle arrive dans la région aux environs du 10 octobre. Les grives sont, avec le gibier d’eau — la Camargue n’est pas loin — des animaux très réceptifs aux aléas du vent, de ce vent qui détermine en partie les vols des oiseaux migrateurs ; de même que le froid : “un bon coup de vent de nord-est on le souhaite, ça fait descendre les canards”. La grive se chasse l’hiver, en solitaire ou à deux, selon trois méthodes : “à la haie”, “à la passée du soir” et “au poste”. Seuls les deux premiers procédés accordent au mistral un rôle favorable. La chasse dite “à la haie” consiste, le matin, pour les deux protagonistes, à se tenir de chaque côté d’une bordure de champ tout en déambulant du même pas, le plus feutré possible, de façon à pouvoir surprendre l’oiseau au moment de son envol. Considérée comme difficile, cette chasse, qui s’adresse à de bons tireurs, nécessite le mistral dès lors qu’il atténue le bruit d’approche des deux hommes. Pour la “passée du soir”, une chasse en solitaire qui prend place environ une heure avant le coucher du soleil, au moment où l’oiseau s’apprête à trouver un abri pour la nuit, quelques bons coups de vent contribuent à le faire “ monter ” moins rapidement et d’être ainsi mieux à la portée du chasseur. L’expression “monter avec le vent” signifie voler face au vent et s’adresse tant aux grives qu’aux canards, en fait à tous les migrateurs. La chasse dite “au poste” est la plus pratiquée dans la région. C’est une chasse ancienne, traditionnelle en Provence, qui implique l’emploi de petites cages de bois (une douzaine environ par chasseur) que chacun transporte “selon sa propre manière”. Chaque cage contient une grive vivante destinée à servir d’appelant. L’ensemble des cages et des appelants constituent une “batterie”, et pour le chasseur avoir “une bonne batterie” c’est posséder un nombre suffisant d’appelants. Chacun part le matin, sans chiens, “à la pointe du jour”, muni de ses cages, rejoindre son poste de tir, choisissant de préférence un temps calme, plutôt nuageux, avec un peu de gelée blanche. Le choix du lieu pour la réussite de la chasse au poste est décisif. Le premier critère avancé est, d’une façon générale, la direction et la force du vent en début de saison, puisque chacun sait que le vent influence les principaux passages de migration. On comprendra combien il est souhaitable de posséder un poste situé au carrefour de ces grandes trajectoires. La deuxième condition est de disposer d’un endroit réunissant suffisamment d’arbres pour constituer ce que l’on appelle une “cabane” *. Il est possible d’avoir plusieurs “cabanes”. En toutes saisons, le chasseur prend soin de sa “ cabane ”, il taille les arbres et les arbustes à une certaine hauteur, aménage les lieux de pause. Puis, il installe ses appelants en cercle autour des arbres en fonction de la direction du vent, quitte à les changer de place si le vent a tourné dans la nuit. Mais certains chasseurs, propriétaires de terrains adaptés, possèdent plusieurs postes : “ il y a des coins meilleurs que d’autres, moi par exemple, j’en ai un vers la Durance et un aux palunettes qui est bien abrité ; les vents ne sont jamais bons pour la chasse "au poste", on s’en accommode, mais ce n’est pas un bon jour de chasse, les oiseaux ne se posent pas aussi tranquillement et les appelants ne chantent pas ”.

Autrefois, les appelants, ces leurres vivants, étaient capturés au moyen de grands filets de plusieurs mètres de long appliqués face aux arbres, que l’on battait vigoureusement à l’aide de cannes de roseaux ; apeurés, les oiseaux se précipitaient dans le piège. Cette technique porte le nom de “ fanfare ” à cause du tohu-bohu provoqué. Apparentée au braconnage, elle est interdite depuis les années soixante-dix. Les anciens qui faisaient le filet ont d’ailleurs disparu : “ en l’espace d’une dizaine d’années les choses se sont perdues, plus personne n’est là pour montrer et comme c’est interdit... ”. La glu ** remplace désormais le filet pour prendre les appelants, mais n’est autorisée que sur une courte période de deux heures par jour. “ C’est pas compliqué, c’est un système qui s’organise avec des baguettes de bois recouvertes de glu, les gluaux, que l’on installe en équilibre sur une branche pour que, au moment où l’oiseau va se poser, clac ! il se colle. Après, avec de la cendre, on lui frotte les plumes pour le nettoyer, on ne tue jamais l’oiseau pris de cette façon, gardé vivant il nous servira d’appelant ”. Les jours de grand vent sont considérés comme néfastes. Les gluaux, secoués tombent au sol, empêchant les grives de venir s’y coller. Un autre moyen d’appâter les grives consiste à utiliser des simulacres en matière plastique achetés dans le commerce. De la même façon que pour les appelants, le chasseur fixe le simulacre “ bec au vent ”. Cette orientation est celle adoptée par tous les oiseaux qui n’aiment pas avoir leurs plumes retroussées. Cette manière de faire évite à l’oiseau convoité d’être sur ses gardes : “ on les installe le plus haut possible dans les arbres, qu’ils soient bien face au vent, qu’ils dominent l’endroit où les grives se poseront ”. L’ “appel” est ici strictement visuel, la grive, rassurée, croyant reconnaître un de ses congénères au repos, s’apprête à venir le rejoindre. L’utilisation d’un instrument (sifflet) capable d’imiter le chant des oiseaux pour mieux les attirer ne semble pas avoir cours dans la région, comme il est d’usage dans le Var ou le Vaucluse...

 


 

Notes de l'auteur:

 

* On appelle “ cabane ” un espace formé d’un groupe d’arbres taillés de façon particulière, de telle manière que chacun compose un support de verdure enchevêtrée dans lequel aucun oiseau ne puisse pénétrer ; n’offrant surtout aucune branche dénudée où ils puissent se poser en dehors des baguettes engluées. Au centre de la “ cabane ” est installé l’abri du chasseur.

 

** La glu est une substance collante qui adhère aux plumes et aux pattes des oiseaux. Elle se composait autrefois des écorces de houx et de gui. Depuis le début du siècle, la glu est un mélange d’huile de lin et de résine que l’on fait bouillir longuement. On étale la glu sur des baguettes appelées gluaux que l’on dispose aux endroits adaptés pour recevoir des oiseaux. L’origine, ou au moins la pratique, gréco-romaine de ce procédé de capture du gibier à plumes est attestée dans beaucoup d’ouvrages, notamment dans : PLUTARQUE, Vies parallèles, édition de J. Alexis Pierron, Paris, G. Flammarion, 1995, p. 243.

 

 


 

 

Lien:   http://journals.openedition.org/ruralia/300


01/04/2018
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"Turdus ipse sibi malum cacat."

La grive draine (Turdus viscivorus)  est également appelée grive du gui car elle ingère les baies de cette plante dont elle raffole. 

Les graines, non digérées, sont expulsées avec les fientes et germent là où elles tombent, contribuant ainsi à la dissémination de cette plante parasite.

Or, les baies du gui étaient autrefois utilisées pour fabriquer la glue.

D'où ce proverbe de l'Antiquité: "Turdus ipse sibi malum cacat".

Ce qui signifie:"la grive chie elle-même son propre malheur".

 

RG


05/02/2017
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