Divers.
Annulation du grand rassemblement des chasseurs à Forcalquier.
L'Association Nationale de Défense des Chasses Traditionnelles à la Grive (ANDCTG) et la Fédération Régionale des Chasseurs de Provence, Alpes, Cote d'Azur (FRC PACA) communiquent:
En souhaitant que ce ne soit qu'un report de date.
A suivre...
Source: https://www.chasse-grives.fr/uploaded/communique-annulation-rassemblement.pdf
La chasse des grives et le vent en Provence.
L'extrait ci-dessous, paru en 2002, est tiré de Ruralia, revue de l'Association des ruralistes français, sous le titre:
LE VENT, L’AGRICULTEUR ET LE CHASSEUR. CONNAISSANCES ET MAÎTRISE DU VENT EN PAYS D’ARLES.
L'auteure en est Marie-France Gueusquin, chargée de recherches au Centre d'ethnologie française, CNRS (1992).
Ma sélection s'est portée, naturellement, sur ce passage bien précis (passion oblige!).
J'ajoute que, pour les lecteurs férus de Provence et de ruralité, le document mérite d'être lu dans son entièreté.
RG
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Le cadre géographique des données analysées ici se situe au nord-ouest du département des Bouches-du-Rhône,au débouché de l'étroit couloir rhodanien d’où un vent froid venu d’entre nord et nord-ouest (le mistral) s’engouffre toute l’année et dont il s’échappe avec une violence extrême. Ce vent, dont la particularité est de s’exprimer par bourrasques, peut atteindre des vitesses s’élevant jusqu’à 230 kilomètres par heure, pointe relevée au sommet du mont Ventoux en 1941...
... En basse Provence, le mistral est l’élément météorologique dominant. Il est présent toute l’année, en toutes les saisons. Il peut souffler trois semaines d’affilée, et n’a pas d’heure pour surgir. Il se forme toujours en matinée pour atteindre son maximum aux alentours de midi et tomber en fin de journée, il se rétablit la nuit, mais avec moins d’intensité...
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... On le sait, le Provençal a le goût des oiseaux, et la grive fait partie du gibier le plus estimé. Elle arrive dans la région aux environs du 10 octobre. Les grives sont, avec le gibier d’eau — la Camargue n’est pas loin — des animaux très réceptifs aux aléas du vent, de ce vent qui détermine en partie les vols des oiseaux migrateurs ; de même que le froid : “un bon coup de vent de nord-est on le souhaite, ça fait descendre les canards”. La grive se chasse l’hiver, en solitaire ou à deux, selon trois méthodes : “à la haie”, “à la passée du soir” et “au poste”. Seuls les deux premiers procédés accordent au mistral un rôle favorable. La chasse dite “à la haie” consiste, le matin, pour les deux protagonistes, à se tenir de chaque côté d’une bordure de champ tout en déambulant du même pas, le plus feutré possible, de façon à pouvoir surprendre l’oiseau au moment de son envol. Considérée comme difficile, cette chasse, qui s’adresse à de bons tireurs, nécessite le mistral dès lors qu’il atténue le bruit d’approche des deux hommes. Pour la “passée du soir”, une chasse en solitaire qui prend place environ une heure avant le coucher du soleil, au moment où l’oiseau s’apprête à trouver un abri pour la nuit, quelques bons coups de vent contribuent à le faire “ monter ” moins rapidement et d’être ainsi mieux à la portée du chasseur. L’expression “monter avec le vent” signifie voler face au vent et s’adresse tant aux grives qu’aux canards, en fait à tous les migrateurs. La chasse dite “au poste” est la plus pratiquée dans la région. C’est une chasse ancienne, traditionnelle en Provence, qui implique l’emploi de petites cages de bois (une douzaine environ par chasseur) que chacun transporte “selon sa propre manière”. Chaque cage contient une grive vivante destinée à servir d’appelant. L’ensemble des cages et des appelants constituent une “batterie”, et pour le chasseur avoir “une bonne batterie” c’est posséder un nombre suffisant d’appelants. Chacun part le matin, sans chiens, “à la pointe du jour”, muni de ses cages, rejoindre son poste de tir, choisissant de préférence un temps calme, plutôt nuageux, avec un peu de gelée blanche. Le choix du lieu pour la réussite de la chasse au poste est décisif. Le premier critère avancé est, d’une façon générale, la direction et la force du vent en début de saison, puisque chacun sait que le vent influence les principaux passages de migration. On comprendra combien il est souhaitable de posséder un poste situé au carrefour de ces grandes trajectoires. La deuxième condition est de disposer d’un endroit réunissant suffisamment d’arbres pour constituer ce que l’on appelle une “cabane” *. Il est possible d’avoir plusieurs “cabanes”. En toutes saisons, le chasseur prend soin de sa “ cabane ”, il taille les arbres et les arbustes à une certaine hauteur, aménage les lieux de pause. Puis, il installe ses appelants en cercle autour des arbres en fonction de la direction du vent, quitte à les changer de place si le vent a tourné dans la nuit. Mais certains chasseurs, propriétaires de terrains adaptés, possèdent plusieurs postes : “ il y a des coins meilleurs que d’autres, moi par exemple, j’en ai un vers la Durance et un aux palunettes qui est bien abrité ; les vents ne sont jamais bons pour la chasse "au poste", on s’en accommode, mais ce n’est pas un bon jour de chasse, les oiseaux ne se posent pas aussi tranquillement et les appelants ne chantent pas ”.
Autrefois, les appelants, ces leurres vivants, étaient capturés au moyen de grands filets de plusieurs mètres de long appliqués face aux arbres, que l’on battait vigoureusement à l’aide de cannes de roseaux ; apeurés, les oiseaux se précipitaient dans le piège. Cette technique porte le nom de “ fanfare ” à cause du tohu-bohu provoqué. Apparentée au braconnage, elle est interdite depuis les années soixante-dix. Les anciens qui faisaient le filet ont d’ailleurs disparu : “ en l’espace d’une dizaine d’années les choses se sont perdues, plus personne n’est là pour montrer et comme c’est interdit... ”. La glu ** remplace désormais le filet pour prendre les appelants, mais n’est autorisée que sur une courte période de deux heures par jour. “ C’est pas compliqué, c’est un système qui s’organise avec des baguettes de bois recouvertes de glu, les gluaux, que l’on installe en équilibre sur une branche pour que, au moment où l’oiseau va se poser, clac ! il se colle. Après, avec de la cendre, on lui frotte les plumes pour le nettoyer, on ne tue jamais l’oiseau pris de cette façon, gardé vivant il nous servira d’appelant ”. Les jours de grand vent sont considérés comme néfastes. Les gluaux, secoués tombent au sol, empêchant les grives de venir s’y coller. Un autre moyen d’appâter les grives consiste à utiliser des simulacres en matière plastique achetés dans le commerce. De la même façon que pour les appelants, le chasseur fixe le simulacre “ bec au vent ”. Cette orientation est celle adoptée par tous les oiseaux qui n’aiment pas avoir leurs plumes retroussées. Cette manière de faire évite à l’oiseau convoité d’être sur ses gardes : “ on les installe le plus haut possible dans les arbres, qu’ils soient bien face au vent, qu’ils dominent l’endroit où les grives se poseront ”. L’ “appel” est ici strictement visuel, la grive, rassurée, croyant reconnaître un de ses congénères au repos, s’apprête à venir le rejoindre. L’utilisation d’un instrument (sifflet) capable d’imiter le chant des oiseaux pour mieux les attirer ne semble pas avoir cours dans la région, comme il est d’usage dans le Var ou le Vaucluse...
Notes de l'auteur:
* On appelle “ cabane ” un espace formé d’un groupe d’arbres taillés de façon particulière, de telle manière que chacun compose un support de verdure enchevêtrée dans lequel aucun oiseau ne puisse pénétrer ; n’offrant surtout aucune branche dénudée où ils puissent se poser en dehors des baguettes engluées. Au centre de la “ cabane ” est installé l’abri du chasseur.
** La glu est une substance collante qui adhère aux plumes et aux pattes des oiseaux. Elle se composait autrefois des écorces de houx et de gui. Depuis le début du siècle, la glu est un mélange d’huile de lin et de résine que l’on fait bouillir longuement. On étale la glu sur des baguettes appelées gluaux que l’on dispose aux endroits adaptés pour recevoir des oiseaux. L’origine, ou au moins la pratique, gréco-romaine de ce procédé de capture du gibier à plumes est attestée dans beaucoup d’ouvrages, notamment dans : PLUTARQUE, Vies parallèles, édition de J. Alexis Pierron, Paris, G. Flammarion, 1995, p. 243.
"Turdus ipse sibi malum cacat."
La grive draine (Turdus viscivorus) est également appelée grive du gui car elle ingère les baies de cette plante dont elle raffole.
Les graines, non digérées, sont expulsées avec les fientes et germent là où elles tombent, contribuant ainsi à la dissémination de cette plante parasite.
Or, les baies du gui étaient autrefois utilisées pour fabriquer la glue.
D'où ce proverbe de l'Antiquité: "Turdus ipse sibi malum cacat".
Ce qui signifie:"la grive chie elle-même son propre malheur".
RG
La légende des grives saoules.
La grive musicienne est friande des raisins oubliés par les vendanges: de là est née la légende viticole des grives saoules pour avoir trop ingéré de raisins mûrs. La grive, une gloutonne alcoolique ? Voici ce qu'en dit Jean-Jacques Brochier dans son "Anthologie du Petit Gibier ":
« La meilleure est la grive de vigne, ou musicienne, c’est elle qui chante le mieux.
Particulièrement à l’époque des vendanges, quand elle se gorge de raisins bien
mûrs, qui la rendent pompette. De là la légende de ces grives saoules qu’on
poursuivait entre les rangs de vigne et qu’on prenait à la main, ou d’un revers de
casquette, treize à la douzaine. On a lu ça cent fois dans les livres, mais que celui
qui a assisté personnellement à la chose me fasse signe. Je promets de le régaler
d’une fricassée dont il se souviendra. Dans les mêmes livres, on dit aussi que les
grives s’abattaient en si grand nombre sur les ceps qu’il fallait battre le tambour jour
et nuit pour sauver la vendange. »
Source : http://disvin.canalblog.com/archives/2014/07/09/30218369.html
La communion de la grive.
Je veux vous conter un miracle, qui me fut conté à moi-même par un vieux prêtre, ami de saint François d’Assise, auquel l’histoire est arrivée.
Un matin de Noël, alors qu’il était jeune encore et vicaire à Saint-Thomas-d’Aquin, il se demanda, en s’éveillant, quelle bonne action il pourrait faire pour sanctifier cette journée. Et tout de suite s’offrit à ses yeux une maison sordide, que la pioche des démolisseurs aurait dû depuis longtemps jeter bas, mais qui, par un défi à l’urbanisme et à l’hygiène, s’obstinait à rester debout au milieu des bâtisses neuves qui l’étouffaient de toutes parts.
Là vivait sous les toits, au fond d’un long couloir obscur, une vieille impotente, qu’il visitait de temps en temps pour lui porter la communion. Prisonnière dans sa chambre, sans parents, sans amis, elle n’avait d’autre distraction qu’un oiseau de l’espèce qu’on appelle grive musicienne, et qu’elle chérissait tendrement. « Que deviendrais-je, monsieur l’abbé, disait-elle chaque fois que le vicaire venait la voir, si je ne l’avais pas ! C’est mon petit ami, c’est mon ange gardien ! » La porte de la cage était toujours ouverte, et l’ange gardien voletait ici et là, en liberté.
Mais pour aller chez cette bonne femme, il fallait monter quatre étages d’un infect escalier, où d’horribles odeurs se succédaient, sans se mêler, comme autant de barrages, dont le dernier semblait encore plus immonde que celui qu’on venait de traverser. Grimper cet escalier quand on était à jeun (et c’était le cas du vicaire lorsqu’il allait accomplir son office), rien que cette idée-là lui mettait le cœur sur les lèvres. « J’ai tant de choses à faire ce matin ! » se dit-il à lui-même pour se donner une raison de remettre à plus tard la bonne inspiration qui lui était venue tout à l’heure. Mais chassant aussitôt sa mauvaise pensée, dès qu’il eut dit sa messe, il quitta la sacristie, emportant avec lui ce qui lui était nécessaire pour communier la paroissienne à l’oiseau.
Au bas de l’escalier, les infectes odeurs l’attendaient, et dans l’humide et glaciale obscurité qu’éclairaient mal, même en plein jour, des papillons de gaz, elles l’accompagnèrent jusqu’au dernier étage. La tête commençait à lui tourner quand il frappa à la porte de la vieille.
– Entrez, monsieur l’abbé ! cria-t-elle, car elle l’espérait ce jour-là, et l’avait reconnu rien qu’à sa manière de frapper.
Après avoir échangé sur le temps, leur santé et celle de l’oiseau, les propos dont ils avaient l’habitude, le vicaire la confessa, ce qui prit plus de temps qu’on aurait pu l’imaginer, étant donnée sa vie recluse. Mais ceux qui vivent seuls finissent par avoir une adresse incroyable à se faire des scrupules à propos de tout et de rien. « Encore si cette virtuosité, se disait à part lui l’abbé (tout en se reprochant cette réflexion un peu frivole), encore si cette virtuosité avait quelque intérêt ! Mais il faut bien avouer qu’il y a des péchés intéressants et d’autres qui ne le sont guère, et malheureusement, les pécheurs les plus bavards sont ceux qui n’ont rien à vous dire... »
Cependant, de faute en faute, de crime en crime, et de fil en aiguille, la bonne vieille étant arrivée au bout de son rouleau, le vicaire se mit en devoir de lui donner la communion.
Elle était devant lui, assise sur sa chaise, car elle ne pouvait s’agenouiller, et déjà le vicaire lui posait l’hostie sur la langue en prononçant les paroles rituelles, quand tout à coup la grive, qui jusque-là s’était tenue tranquille dans un coin de la pièce, se jeta d’une aile rapide sur le pain consacré, en prit un morceau dans son bec et revint se poser sur sa cage.
– Jésus-Marie ! cria la vieille en manquant s’étrangler avec le reste de l’hostie. Elle a mangé le corps de Dieu !
Et oubliant du coup sa tendresse pour la pauvre bestiole :
– Il faut la tuer, monsieur l’abbé ! Il faut la tuer !
– La tuer ! Y pensez-vous ! répondit le vicaire. Tuer cette pauvre bête du bon Dieu juste au moment où elle vient de voler vers son Créateur et de faire sa première communion !
Et jetant les yeux sur la cage que la concierge, qui rendait de menus soins à la paralytique, avait sans doute oublié de garnir ce matin :
– Cette bête a faim, reprit-il. Après ce festin spirituel, donnons-lui quelque nourriture terrestre... Je vais et je reviens.
Il sortit, et reparut quelques instants plus tard, avec du mil, du chènevis et quelques feuilles de salade.
– Et voilà le miracle ! ajoutait-il en finissant. Ni ce jour-là, ni jamais plus, je n’ai senti l’odeur de l’escalier.
Lecteur, tu demandes peut-être où est la Vierge dans ce conte. Je te réponds : Elle est partout où est la poésie.
Jérôme et Jean THARAUD, Les contes de la Vierge, Plon, 1940.