Des grives aux merles

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La Chasse des Canards: Une expédition en Camargue. 1/2

1er Août 2025

 

La Chasse des Canards Rocher.png 477 pages...
 477 pages de pur bonheur !

 LA CHASSE DES CANARDS du Dr Ch. ROCHER m'a été offert   par mon épouse en 1977.
 Illustré par LAMOTTE, F. BERILLE, Th. de CONAC, X. de PORET

 et R. REBOUSSIN, je l'ai lu maintes et maintes fois sans jamais me lasser.

 C'est une véritable bible, l'ouvrage de référence pour les   passionnés de chasse aux canards. C'est une somme technique sur les migrateurs, leur chasse, la construction d'une hutte ou d'une tonne, etc... Réalisé avec les souvenirs et le carnet de chasse de René Dupeyron, ce livre est empreint de poésie. Il nous parle d'une époque heureuse quand les anti de tout poil, animalistes et autres adeptes du bien-être animal n'existaient pas !
Comment choisir parmi tous ces récits ? Tous aussi prenants les uns que les autres. Alors, étant Provençal, en toute partialité, j'ai choisi " Une expédition en Camargue " de R. Dupeyron.
Bonne lecture !
RG

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     C'est tout à fait par hasard que je fis connaissance avec l'ensorcelante Camargue. Pourquoi n'essaierais-je pas un jour d'aller y hutter ? C'est la pensée qui me vint un jour et le 25 novembre 1918, je partis de Bordeaux emportant mon browning calibre 12, un fusil ordinaire calibre 10 à deux coups, deux grandes panières en osier et une énorme valise.
     Il me fut difficile de trouver un compartiment vide pour caser tout mon matériel. Mais j'arrivai à tout loger ; les locataires de mes panières qui n'avaient rien dit pendant le trajet commencèrent alors à cancaner. J'emportais un bien précieux ; douze canes, et quatre mâles. Le tout trié sur le volet, c'était mon meilleur jeu ; il y avait notamment ma fameuse " Rosalie " qui eût une triste fin mais, ça, c'est une autre histoire !

     Arrivé à Arles avec mon fourniment, je chargeai le tout sur une petite charrette à bras ; arrivé à l'hôtel, obligé de passer la nuit pour prendre le train pour les Saintes le lendemain matin, je demandai une grande chambre ; j'y transportai moi-même en vitesse, mes panières. Je trouvai très heureusement le sol de ma chambre carrelé. Mon premier travail fut de sortir mes braves appelants. Ils étaient affamés et courbatus après ce petit voyage de treize heures. 

     J'avais pris soin de mettre au milieu de la pièce deux cuvettes pleines d'eau.

     Allons, tout va bien; ils n'ont pas l'air trop dépaysés, battent des ailes, tendent leurs pattes, plument délicatement leurs jabots et s'avancent en tendant leurs cous vers le précieux liquide. Maintenant tout le monde se rafraîchit et fait sa toilette. Et pendant que d'un oeil attendri je surveille leurs ébats, j'ouvre ma grande valise et sors un petit sachet dont je répands le contenu : c'est du bon maïs cinquantini. Alors ils se précipitent  et, goulûment, absorbent leurs grains à une vitesse record sans oublier de boire une petite gorgée de temps à autre. ils cancanent doucement et je constate avec plaisir qu'ils sont bien élevés.
     Satisfait et rassuré sur la santé de mes compagnons je pensai, en contemplant ce spectacle, à l'état de la chambre. Dans ces conditions il valait mieux que j'emporte la clef dans ma poche. Il était heureux aussi que je ne reste qu'une nuit, sans cela il aurait bien pu se faire que l'on me demande d'aller me faire pendre ailleurs. Toutefois je priai Dieu pour que mes canards soient raisonnables et vite je fermai les volets et tirai les rideaux; dans le noir j'avais espoir qu'ils resteraient tranquilles...

     Ce fut effectivement une nuit sans histoire. Bien gavés, repus, mes terribles chasseurs dormirent comme leur maître, du sommeil du juste. Mais au réveil, juste à la pointe du jour, quel vacarme ! Je ne reconnaissais ni "Rosalie", mon court-cri, ni mes autres canes. Tout le monde hurlait sans faiblesse et sans répit avec des reprises magnifiques. Brusquement dressé sur mon lit je pensai que pas un vol n'aurait osé passer sans s'arreter devant un rappel aussi magistral.

     Je fus tiré de mon admiration par des coups sourds qui résonnèrent à la cloison de droite, puis à celle de gauche, mais qui dominèrent les appels de mes canards. J'entendis des voix, une sonnerie, des portes qui s'ouvraient et je pensai soudain que j'étais dans un hôtel et non point à la hutte. Alors je bondis et, à toute allure, je ramassai mes bruyants amis et les enfermai en vitesse dans leur panière. Il y eut un sacré mâle qui se mit sous le deuxième lit et que je ne pus arriver à attraper; "enfin celui-là, heureusement, ne fera pas trop de bruit" me dis-je. On frappa à ma porte et je demandai d'une voix angélique: "qu'est-ce qu'il y a ?" - "C'est moi, le patron, je voudrais vous parler, car il paraît que vous avez des bêtes qui font un bruit infernal et tout le monde est debout dans l'hôtel." - "Ça doit être une erreur, Monsieur, car vous n'entendez rien chez moi, et vous venez de me réveiller." - "Ah, bien, merci Monsieur, je vais voir plus loin." Et j'entendis des palabres dans les couloirs... Le désastre était certain, il y avait de l'eau partout. Comment faire disparaître les traces ? ... Et l'odeur ? ... Peut-être y aurait-il un domestique débrouillard... On allait bien voir !

     J'ouvris les fenêtres. Il faisait un temps splendide. Heureusement j'étais au rez-de-chaussée; j'avais toujours la possibilité de faire passer mes panières par la fenêtre. Je m'habillai en hâte, mes lascars ne bougeaient plus; je pus récupérer mon mâle lorsqu'il voulut aller boire, et je le mis avec ses compagnons. Je sortis alors sur la pointe des pieds comme un malfaiteur après avoir fermé à clé les lieux du délit. J'arrivai dans le hall et je vis un homme en bras de chemise qui tournait le dos. Etait-ce le patron ou le domestique ? "Pardon, est-ce vous qui vous occupez des chambres du rez-de-chaussée ?"
     Il se retourna et je constatai qu'il avait une bonne tête.

     "Oui, c'est moi, Monsieur.

     - Voulez vous m'accompagner, j'ai besoin que vous me rendiez un petit service."

     Il m'accompagna, j'ouvris la porte, il entra; je me plaçai devant lui pour ne pas lui montrer d'un seul coup ce qui avait été une chambre d'hôtel et je lui expliquai en quelques mots ce que j'attendais de lui. En même temps je lu glissai dans la main un argument plus sérieux. Je me déplaçai alors et lui indiquai le dégât à réparer.
     J'avoue que c'était un brave homme. Il ne dit rien et n'eut pas l'air trop dégoûté. Il me sembla même voir un sourire sur sa bonne figure.

     "C'est que moi aussi j'aime la chasse, et n'ayez crainte, tout va être mis en place avant votre départ."

     Je respirai. Personne, sauf lui, ne connut le fin mot de l'histoire et je pus m'embarquer dans le petit train qui va aux Saintes.

     J'y arrivai sans encombre. Il faisait un temps magnifique. A l'hôtel je pus loger mes canards d'une façon normale, c'est à dire dans une basse-cour, mais les gens se demandaient ce que je pouvais bien vouloir faire de ces animaux, car personne dans cette région ne chassait avec des appelants vivants.

     Je me procurai du maïs pour le séjour aux Saintes et je fis la connaissance d'un menuisier qui voulut bien me construire une caisse de 1,50 m. de haut et 1 mètre de large, juste de quoi pouvoir se loger assis avec un grand guichet devant; c'était une hutte miniature transportable.

 

 

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A suivre:

 

Une expédition en Camargue, 2/2 :  Une nuit de hutteau

     



 



02/08/2025
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