La Chasse des Canards: Une expédition en Camargue. 2/3
Une nuit de hutteau
J'avais fait grasse matinée, et ce jour là le menuisier vint me dire que la petite hutte portative que je lui avais commandée dès mon arrivée, était prête.
J'allai donc avec lui voir ce petit chef-d'oeuvre. Très bien montée, peinte couleur "engane" avec une porte sur charnières se relevant dessus et recouverte elle-même de papier goudronné. Un grand guichet de 80 cm. de long et de 30 cm. de haut placé à l'avant, permettant de tirer au posé et au vol. Il ne restait plus qu'à mettre une plaque de zinc fin d'une seule pièce sous le plancher et de 20 cm. de haut sur les quatre côtés. Il me promit de la livrer le soir même. Je pourrai donc faire mon premier guet de hutteau cette nuit.
L'endroit que j'ai déjà choisi sur cette jolie baisse qui forme un clair d'eau impeccable est juste en bordure d'un des grands étangs de Noilly-Prat, peu éloigné de la mer. J'allai vite tâcher de me procurer un moyen de transport.
Je finis par trouver un bon petit cheval de Camargue avec une charrette légère. Le conducteur me promis que la hutte serait à l'endroit indiqué cet après-midi à 3 h 30. J'étais d'autant plus satisfait que le vent était Nord, qu'il faisait plus frais et que ce matin plusieurs chasseurs m'avaient déjà signalé beaucoup de canards en mouvement, de la mer vers le marais.
Heures d'attente fébrile et si agréable... Que de châteaux en Espagne ! Je donnai une double ration de maïs à mes braves compagnons et vérifiai leurs attaches. Boîte à cartouches; quelques coups de gros plomb, mon browning, une grosse couverture de laine, un bon casse-croute, une lampe électrique. Je pensais ne rien oublier. Si; mes cigarettes ! La brave hôtesse m'appela, les préparatifs m'avaient mis en retard et le déjeuner m'attendait.
Pendant que je dégustais un excellent café, je vis arriver mon transporteur avec le hutteau chargé. J'allai lui remettre mes canards pour qu'il les porte sur place et une grosse botte de paille qui me servirait de tapis. Tout était paré. Je partis devant à vélo. La route était excellente et il ne fallait que vingt minutes environ.
J'arrivai sur place, le soleil déjà commençait à descendre. Le vent avait forcé un peu et je vis quelques voliers qui circulaient venant du Vaccarès. Bon signe. Je cachai mon vélo dans une touffe de tamarins dont je coupai quelques branches. Quelques touffes de jonc me semblaient faire tache sur mon clair d'eau improvisé et je m'appliquai à les faire disparaître en les frappant avec une barre. J'y parvins assez aisément.
Maintenant, à l'endroit choisi pour poser la hutte, je dégageai le sol couvert d'enganes. J'arrivai à les arracher tant bien que mal... Mon travail était à peu près fini lorsque j'entendis la voix des canards tout proches; en levant la tête je vis arriver la voiture qui m'apportait mes appelants. Leur instinct extraordinaire leur avait sans doute signalé ma présence car ils faisaient une "musique" terrible. Malgré le vent qui soufflait assez frais j'étais en nage. La charrette fut arrêtée sur le bord de la route, car pour transporter la petite hutte au bord du clair, il y avait à peine cinquante mètres. C'était en plein contre-bas et complètement abrité du Nord. Nous descendîmes et la posâmes sur deux barres en bois permettant de la porter comme sur une civière. Elle n'était vraiment pas lourde et sans ce tapis d'enganes, c'eut été un jeu d'enfants. Nous la plaçames face au clair, bien enfoncée dans le tapis vert qui l'entourait. Je finis de la maquiller avec quelques branches de tamarins et d'enganes que je fixai avec une corde tout autour. Je regardai l'effet produit : elle ne paraissait presque pas. Je transportai maintenant, canards, paille, etc. Ayant tout à pied d'oeuvre, j'expédiai mon brave transporteur. Il me tardait de hutter...
La cabane était face au Sud et malgré le vent qui continuait à souffler assez fort, l'eau n'était presque pas ridée. Cette baisse était vraiment bien abritée.
Je tendis deux groupes de canards; trois mâles à gauche, à l'Est sur une seule ligne et de l'autre côté, deux groupes de cinq canes en paquet très serré se touchant bec à bec, en bout de corde. J'avais un espace de quinze mètres de large entre les deux groupes.
Ayant repéré un petit trou d'eau de deux mètres de tour au Nord de la hutte, j'y piquai une cane chanteuse enragée... Elle attirerait les sauvages arrivant de la mer.
A suivre:
Une expédition en Camargue, 3/3 : Une nuit de hutteau
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