Poètes du XIXe siècle.
Très beau poème que celui-ci, il est l'oeuvre de Maurice Rollinat (poète français,1846-1903).
Dans la vigne escarpée où maint pommier sauvage
Crispe sur l'horizon ses bras tors et rugueux,
Elles viennent s'abattre avec des vols fougueux,
Cherchant la solitude et le friand breuvage...
Alors, se rassurant avec des cris folâtres,
La troupe s'éparpille et tous ces jolis becs,
Ensemble, à petits coups saccadés, drus et secs,
Piochent avidement dans les feuilles rougeâtres.
Mille oiseaux picoreurs, leurs amis coutumiers,
S'en vont papillonner autour de ces coquettes
Qui, telles qu'un volant fouetté par des raquettes,
Ont de gais va-et-vient des pampres aux pommiers...
Et lorsque le soleil éclabousse de sang
Le sommet de la côte où broutent les ânesses,
Enfin, n'en pouvant plus, les grives ivrognesses
Trouvent le sol fugace et le rameau glissant.
Et tandis que la nuit apprête son fusain,
Chacune au pied du cep ou sur le haut de l'arbre
Ferme l'oeil et se tient comme un oiseau de marbre,
Ou vole en titubant vers le taillis voisin.
Et maintenant qu'aux cieux a teinté l'heure brune,
Les grives ont sommeil et vont cuver sans bruit
Tout ce cidre et ce vin bus à même le fruit
Dans la fraîcheur de l'ombre où rit le clair de lune.
-<>-
André Theuriet (1833-1907) est un poète, un romancier et un auteur dramatique français.
Une partie de son oeuvre est consacrée aux terroirs, aux forêts, à la nature et aux paysages qu'il décrit d'une façon remarquable:
« Le ciel, qui avait été brumeux pendant la matinée s’éclaircissait par places ; des trouées de soleil éclairaient brusquement tantôt la prairie, tantôt un des versants de la forêt. Cette illumination intermittente donnait au paysage une brève splendeur printanière. La chanson discrète des rouges-gorges, les fleurs lilas des veilleuses éparses dans les près aidaient encore à l’illusion. Les parties restées dans l’ombre n’avaient pas, du reste, une coloration moins vivace : le brun pourpré des poiriers sauvages, le rouge sanglant des cerisiers, l’or pâle des sycomores et les retroussis argentés des saules semaient de taches éclatantes les frondaisons encore vertes des chênes et la rousseur fauve des hêtres. De loin en loin, au moindre souffle d’air, l’effeuillement soudain de quelques trembles ressemblait à une envolée de frêles papillons blancs. »
Le petit poème ci-après est extrait de son recueil de poésies intitulé: "Nos oiseaux", édité en 1887.
La Grive
« Voici le mois de fructidor
Le pays est en vendange ;
Les vignobles ont des tons d’or
Mêlés de pourpre et d’orange.
La tête et les sens sont troublés
Par les enivrants effluves
Qu’exhalent les raisins foulés
Dans les pressoirs et les cuves.
Avec des rires tapageurs,
Le long des sentiers de chèvres,
Vendangeuses et vendangeurs
Se baisent à pleines lèvres.
Le bruits sonore et savoureux
De ces galantes agapes
S’unit aux refrains amoureux
Des oiseaux mangeurs de grappes ;
Et la grive, prête de choir
Du cep et tout à fait grise,
Ameute autour de son perchoir
Les geais qu’elle scandalise. »
-<>-
Anatole Coriolan est l'auteur d'une plaquette intitulée:" La Chasse au Poste, simple récit en vers", édité par Achard, imprimeur à Marseille en 1842.
Sur un ton humoristique, l'auteur décrit avec précision les préparatifs et la chasse proprement dite des grives au poste à feu dans la région de Marseille.
Extraits:
Ne rêvant que carnage et de gibier avide,
L'heureux chasseur ira coucher à la bastide,
Et, si le poste est prêt, le lendemain matin,
L'aube pourra le voir, le fusil à la main,
Enfermé dans les murs d'une étroite cabane,
Guettant le pauvre oiseau qu'un sort cruel condamne.
...................................................................................
Une grive de loin venant à tire-d'aile
Droit au poste. Oh! grand Dieu! c'est elle, c'est bien elle,
La voilà... Traversant les branches de ce pin,
Elle va se poser sur le cimeau voisin.
Vite, en joue: un, deux, trois, le cou part... Mais la grive
Tombe, et l'heureux chasseur tout plein de joie arrive,
Saisit l'oiseau mourant, et d'un air étonné
Il contemple longtemps le coup qu'il a frappé.
Si son poste se trouve éloigné de la ville,
Sur le penchant d'un mont en beaux arbres fertiles,
Aux Camoins, St. Menet, ou bien château Gombert,
Il est sûr de tuer des grives tout l'hiver ;
Et chaque jour, pourvu que la saison soit bonne,
Que le temps soit serein, et qu'il pleuve en automne,
Il pourra procurer sans peine à ses parents,
Et jusqu'à ses amis, des rôtis succulents.
-<>-
Henri Chantavoine (1850-1918) est l'auteur de ce très beau poème, extrait de "Sonnets Rustiques"
Les grappes vont mûrir et les premières grives
Perchent sur les sapins qui bordent les coteaux ;
Elles volent par ci, par là, maigres et vives
Et cherchent les grains noirs dans les raisins nouveaux.
Quelquefois le chasseur qui revient au village
Avec ses chiens courants qui marchent sur ses pas,
Espère les surprendre et les guette au passage,
Mais la grive est légère et le chasseur est las.
Elle a vu le fusil, de loin, la vendangeuse,
Elle est sur le qui-vive, et rapide et moqueuse,
Elle tire de l'aile avec son cri léger...
Le coup part...elle est sauve... Alors, levant la tête,
Les chiens suivent le vol de la petite bête
Et le chasseur déçu se remet à songer.
-<>-
Ainsi que celui-ci, intitulé, tout simplement: "La grive":
Le raisin est mûr.
Voici dans l’air pur,
La grive,
Qui, pour vendanger,
Pour boire et manger,
Arrive.
Elle sait choisir,
Compare à loisir,
S’’arrange
Du meilleur endroit
Et tour à tour, boit
Et mange.
Mais déjeunant bien,
Sans que jamais rien
L’étonne,
Elle chante aussi
Et salue ainsi
L’automne.
-<>-
Dédié au merle, ce petit poème extrait du recueil "La chanson des gueux" de Jean Richepin (1849-1926):
Le merle à la glu
Merle, merle, joyeux merle,
Ton bec jaune est une fleur,
Ton oeil noir est une perle,
Merle, merle, oiseau siffleur.
Hier tu vins dans ce chêne,
Parce qu'hier il a plu.
Reste, reste dans la plaine.
Pluie ou vent vaut mieux que glu.
Hier vint dans le bocage
Le petit vaurien d'Éloi
Qui voudrait te mettre en cage.
Prends garde, prends garde à toi !
Il va t'attraper peut-être.
Iras-tu dans sa maison,
Prisonnier à sa fenêtre,
Chanter pour lui ta chanson ?
Mais tandis que je m'indigne,
Ô merle, merle goulu,
Tu mords à ses grains de vigne,
Ses grains de vigne à la glu.
Voici que ton aile est prise,
Voici le petit Éloi !
Siffle, siffle ta bêtise,
Dans ta prison siffle-toi !
Adieu, merle, joyeux merle,
Dont le bec jaune est en fleur,
Dont l'oeil noir est une perle,
Merle, merle, oiseau siffleur.
-<>-
A découvrir aussi
- Une Anthologie des poésies consacrées aux grives ?
- Poètes des XXe et XXIe siécles.
- A deux pas de son nid la grive au dos de terre...
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 87 autres membres