Des grives aux merles

Des grives aux merles

P. Chauveau-Beaubaton: la tenderie aux grives en Ardenne française.

Petite trouvaille sur le net à propos d'un mode de chasse traditionnel aujourd'hui bien menacé par la bien-pensance écolo-bobo.

RG 

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La tenderie aux grives est une méthode de chasse, traditionnelle et ancestrale, issue du patrimoine Ardennais. Je me souviens y avoir été initié par mon cher Camille Depaix, au cours d’une promenade dans les forêts qui bordent les boucles de Meuse, entre le barrage de l’Uf à Fumay et le Moulin Labotte à Haybes.
La grive est attirée par une petite grappe de sorbier, maintenue dans l’entaille basse qui se trouve sur l’arceau d’une baguette de noisetier plantée dans l’écorce d’arbres ou d’arbustes via un fer à tendre. Dans l’entaille haute de l’arceau, vient se fixer le lacet de crin de cheval à nœud coulissant, on appelle ce piège « la ployette », en patois, et il est fixé à une hauteur pratique qui permet de ne pas travailler avec les bras en l’air ou en bas. La grive vient se poser sur la partie inférieure et se penche pour aller avaler les grains de sorbier, tout en passant tête et cou dans le crin de cheval, puis au moment de s’envoler la grive est prise au piège et s’étrangle rapidement dans le nœud qui coulisse sur son petit cou.
Cette méthode de chasse silencieuse, pratiquée par des tendeurs, fait l’objet de nombreux dénigrements tant de la part des défenseurs de la nature, que des chasseurs armés de fusils, et pourtant l’autorisation annuelle s’étend sur une période très courte, qui va de début octobre à fin novembre. Ce sont bien souvent les gens peu fortunés qui pratiquent la tenderie, non pas pour satisfaire des instincts criminels, mais simplement pour manger un peu de viande qui fait souvent défaut dans l’alimentation du quotidien.
Aujourd’hui, dans cette région de France atteinte par un taux de chômage incroyable, les grives représentent un petit plus saisonnier dans la triste assiette de nos amis Ardennais.
Cette méthode de chasse ne coûte rien, n’est pas dangereuse pour les promeneurs ou les chasseurs de champignons des bois et ne pollue pas. La grive sert à flatter les palais délicats de certains gastronomes en mal d’authenticité, tout en nourrissant d’autres bouches plus affamées.
Il est interdit de faire le commerce du produit de sa chasse et les grives ne se dégustent qu’en famille ou avec des amis. Je me suis laissé dire qu’autrefois le Préfet et le Procureur des Ardennes, qui sont sûrement d’aussi fins gourmets que moi, se laissaient tenter une fois l’an en dégustant ces grives, dans une invitation privée, sur le plateau d’Hargnies, chez une amie commune qui cuisine divinement à l’ancienne, de bons petits plats de cette riche cuisine ardennaise pleine de saveurs généreuses du terroir.
La tenderie aux grives n’est pas plus cruelle que de tirer sur une biche ou un chevreuil qui vous regardent épauler le fusil. C’est une chasse qui fait partie intégrante du patrimoine Ardennais et de l’attachement à cette terre pleine de traditions.
La grive est un met délicat et délicieux qui se partage dans la convivialité, à côté d’un feu à l’âtre crépitant en même temps que rassurant. C’est un plaisir simple que de déguster des grives. Mon odorat se souvient encore de ce bon fumet qui embaumait la maison de ma très chère Raymonde Henry, fin cordon bleu qui savait tellement bien m’accueillir.
Raymonde bardait les grives de lard gras, beurrait sa cocotte en fonte avant de déposer quelques tranches de lard maigre au fond, comme pour servir de lit aux grives qui mijotaient doucement durant une petite heure. Après une belle coloration, Raymonde ajoutait le sel, le poivre, les feuilles de sauge et un peu de genièvre. Le plat était accompagné de pommes de terre appelées « conne di gatte » en Ardennais, ce qui signifie « cornes de chèvres ». Ces pommes de terre recourbées et à chair ferme étaient cuites à l’eau avant d’être arrosées généreusement du jus et des sucs de cuisson des grives… une pure merveille qui valaient certainement les ortolans dégustés par le Président François Mitterrand, dans un savant cérémonial qui consistait à se recouvrir le visage d’une serviette de table pour ne rien laisser échapper des subtiles saveurs.

 

12/12/2008

 

Publié par: Philippe CHAUVEAU-BEAUBATON (*) in "Le Mague" 

 http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article5571

 

* Qui est P.C-B ? Selon sa propre définition:

"Chroniqueur libre et indépendant, mais pas dupe sur la définition du mot liberté. Je suis un paresseux pathologique, n'acceptant pas les critères de performance imposés par notre Société. Rebelle qui respecte sa vraie nature, en se laissant vivre parfois dans le rêve."

"J'écris ce que je pense, que cela plaise ou pas, c'est ma liberté d'expression et elle n'engage que moi !"

 

 

Tenderie.jpg

une "ployette"

 

 



16/07/2020
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