Des grives aux merles

Des grives aux merles

Grives et poésie.


Le merle, Théophile Gautier

Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d’espoir,
Sur les herbes, de givre blanches,
En bottes jaunes, en frac noir.

 

C’est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L’hymne d’avril en février.

 

Pourtant il vente, il pleut à verse ;
L’Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perse,
Tient tous ses hôtes près du feu.

 

Les monts sur l’épaule ont l’hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d’hiver se prolongeant.

 

Lustrant son aile qu’il essuie,
L’oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.

 

Il gronde l’aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.

 

Il voit le jour derrière l’ombre,
Tel un croyant, dans le saint lieu,
L’autel désert, sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.

 

A la nature il se confie,
Car son instinct pressent la loi.
Qui rit de ta philosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !

 

Théophile Gautier (1811-1872), dans Emaux et camées

 

 


06/10/2016
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A deux pas de son nid la grive au dos de terre...

 

 

A deux pas de son nid la grive au dos de terre

Un escargot au bec contre l'autel de pierre

Acharnée sur sa proie inlassablement rythme

Un appel a sa fin se brise la coquille

A l'enclume escargots musicienne une grive

Avala son repas en quête s'en alla

Revient vers son soleil autel de sacrifice

Au bec un escargot enceint dans sa coquille

Aussitôt fracturée violeuse harmonique

Au soleil communié alerte et attentive

Elle a senti quelqu'un mais tout se tait silence

Au sein de son autel rassasiée la voici

Que l'eau du lac est belle il fait si soif et chaud

Un lac à sa portée son corps se désaltère

Vibrations attraits d'un jardin invisible

A soupçonné un monde au plus profond du lac

A regardé le grive alerte et attentive

Autour de son commun berceau de son regard

Dans le lac invisible à être fascinée

Par les petits galets algues et poissons d'eau

Douce eau regard de calme fascination fascine

Frissons flamme et désir tressaillir tressaillir

Ses yeux éclos ont bu l'immobilité calme

Un flash-back bloc surgit du fond de sa mémoire

Alors l'emporte un brochet dans le fond du lac

Faiblesse et tentation à oublier le monde

Avoir voulu l'ailleurs à se faire manger

 

 

Marco Bruna, Poémes d'Adolescence (1977-1983).

(né 29 décembre 1961, adjoint au patrimoine mairie Salon)


29/07/2016
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Poètes du XIXe siècle.

Très beau poème que celui-ci, il est l'oeuvre de Maurice Rollinat (poète français,1846-1903).

 

Les grives

 

Dans la vigne escarpée où maint pommier sauvage
Crispe sur l'horizon ses bras tors et rugueux,
Elles viennent s'abattre avec des vols fougueux,
Cherchant la solitude et le friand breuvage...

Alors, se rassurant avec des cris folâtres,
La troupe s'éparpille et tous ces jolis becs,
Ensemble, à petits coups saccadés, drus et secs,
Piochent avidement dans les feuilles rougeâtres.

Mille oiseaux picoreurs, leurs amis coutumiers,
S'en vont papillonner autour de ces coquettes
Qui, telles qu'un volant fouetté par des raquettes,
Ont de gais va-et-vient des pampres aux pommiers...

Et lorsque le soleil éclabousse de sang
Le sommet de la côte où broutent les ânesses,
Enfin, n'en pouvant plus, les grives ivrognesses
Trouvent le sol fugace et le rameau glissant.

Et tandis que la nuit apprête son fusain,
Chacune au pied du cep ou sur le haut de l'arbre
Ferme l'oeil et se tient comme un oiseau de marbre,
Ou vole en titubant vers le taillis voisin.

Et maintenant qu'aux cieux a teinté l'heure brune,
Les grives ont sommeil et vont cuver sans bruit
Tout ce cidre et ce vin bus à même le fruit
Dans la fraîcheur de l'ombre où rit le clair de lune.

 

-<>-

 

 

André Theuriet (1833-1907) est un poète, un romancier et un auteur dramatique français.

Une partie de son oeuvre est consacrée aux terroirs, aux forêts, à la nature et aux paysages qu'il décrit d'une façon remarquable:

« Le ciel, qui avait été brumeux pendant la matinée s’éclaircissait par places ; des trouées de soleil éclairaient brusquement tantôt la prairie, tantôt un des versants de la forêt. Cette illumination intermittente donnait au paysage une brève splendeur printanière. La chanson discrète des rouges-gorges, les fleurs lilas des veilleuses éparses dans les près aidaient encore à l’illusion. Les parties restées dans l’ombre n’avaient pas, du reste, une coloration moins vivace : le brun pourpré des poiriers sauvages, le rouge sanglant des cerisiers, l’or pâle des sycomores et les retroussis argentés des saules semaient de taches éclatantes les frondaisons encore vertes des chênes et la rousseur fauve des hêtres. De loin en loin, au moindre souffle d’air, l’effeuillement soudain de quelques trembles ressemblait à une envolée de frêles papillons blancs. »

 

Le petit poème ci-après est extrait de son recueil de poésies intitulé: "Nos oiseaux", édité en 1887.

 

La Grive

 

« Voici le mois de fructidor

Le pays est en vendange ;

Les vignobles ont des tons d’or

Mêlés de pourpre et d’orange.

La tête et les sens sont troublés

Par les enivrants effluves

Qu’exhalent les raisins foulés

Dans les pressoirs et les cuves.

Avec des rires tapageurs,

Le long des sentiers de chèvres,

Vendangeuses et vendangeurs

Se baisent à pleines lèvres.

Le bruits sonore et savoureux

De ces galantes agapes

S’unit aux refrains amoureux

Des oiseaux mangeurs de grappes ;

Et la grive, prête de choir

Du cep et tout à fait grise,

Ameute autour de son perchoir

Les geais qu’elle scandalise. »

 

-<>-

 

 

Anatole Coriolan est l'auteur d'une plaquette intitulée:" La Chasse au Poste, simple récit en vers", édité par Achard, imprimeur à Marseille en 1842.

Sur un ton humoristique, l'auteur décrit avec précision les préparatifs et la chasse proprement dite des grives au poste à feu dans la région de Marseille.

Extraits:

 

Ne rêvant que carnage et de gibier avide,

L'heureux chasseur ira coucher à la bastide,

Et, si le poste est prêt, le lendemain matin,

L'aube pourra le voir, le fusil à la main,

Enfermé dans les murs d'une étroite cabane,

Guettant le pauvre oiseau qu'un sort cruel condamne.

...................................................................................

Une grive de loin venant à tire-d'aile

Droit au poste. Oh! grand Dieu! c'est elle, c'est bien elle,

La voilà... Traversant les branches de ce pin,

Elle va se poser sur le cimeau voisin.

Vite, en joue: un, deux, trois, le cou part... Mais la grive

Tombe, et l'heureux chasseur tout plein de joie arrive,

Saisit l'oiseau mourant, et d'un air étonné

Il contemple longtemps le coup qu'il a frappé.

 

 Si son poste se trouve éloigné de la ville,

Sur le penchant d'un mont en beaux arbres fertiles,
Aux Camoins, St. Menet, ou bien château Gombert,
Il est sûr de tuer des grives tout l'hiver ;
Et chaque jour, pourvu que la saison soit bonne,
Que le temps soit serein, et qu'il pleuve en automne,
Il pourra procurer sans peine à ses parents,
Et jusqu'à ses amis, des rôtis succulents.

 

 -<>-

 

Henri Chantavoine (1850-1918) est l'auteur de ce très beau poème, extrait de "Sonnets Rustiques"

 

 

Les grappes vont mûrir et les premières grives
Perchent sur les sapins qui bordent les coteaux ;
Elles volent par ci, par là, maigres et vives
Et cherchent les grains noirs dans les raisins nouveaux.

Quelquefois le chasseur qui revient au village
Avec ses chiens courants qui marchent sur ses pas,
Espère les surprendre et les guette au passage,
Mais la grive est légère et le chasseur est las.

Elle a vu le fusil, de loin, la vendangeuse,
Elle est sur le qui-vive, et rapide et moqueuse,
Elle tire de l'aile avec son cri léger...

Le coup part...elle est sauve... Alors, levant la tête,
Les chiens suivent le vol de la petite bête
Et le chasseur déçu se remet à songer.

 

  -<>-

 

Ainsi que celui-ci, intitulé, tout simplement: "La grive":

 

Le raisin est mûr.

Voici dans l’air pur,

La grive,

Qui, pour vendanger,

Pour boire et manger,

Arrive.

  

 Elle sait choisir,

Compare à loisir,

S’’arrange

Du meilleur endroit

Et tour à tour, boit

Et mange.

 

Mais déjeunant bien,

Sans que jamais rien

L’étonne,

Elle chante aussi

Et salue ainsi

L’automne.

 

 -<>-

 

Dédié au merle, ce petit poème extrait du recueil "La chanson des gueux" de Jean Richepin (1849-1926):

 

Le merle à la glu

 

Merle, merle, joyeux merle, 
Ton bec jaune est une fleur, 
Ton oeil noir est une perle, 
Merle, merle, oiseau siffleur.

Hier tu vins dans ce chêne, 
Parce qu'hier il a plu. 
Reste, reste dans la plaine. 
Pluie ou vent vaut mieux que glu.

Hier vint dans le bocage 
Le petit vaurien d'Éloi 
Qui voudrait te mettre en cage. 
Prends garde, prends garde à toi !

Il va t'attraper peut-être. 
Iras-tu dans sa maison, 
Prisonnier à sa fenêtre, 
Chanter pour lui ta chanson ?

Mais tandis que je m'indigne, 
Ô merle, merle goulu, 
Tu mords à ses grains de vigne, 
Ses grains de vigne à la glu.

Voici que ton aile est prise, 
Voici le petit Éloi !
Siffle, siffle ta bêtise, 
Dans ta prison siffle-toi !

Adieu, merle, joyeux merle, 
Dont le bec jaune est en fleur, 
Dont l'oeil noir est une perle, 
Merle, merle, oiseau siffleur.

 

         -<>-         

 

 


27/08/2015
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