Des grives aux merles

Des grives aux merles

Les cartouches "non-toxiques" pour fusils.

La disparition prochaine du plomb s’annonce plus compliquée avec les cartouches pour fusils qu’avec les munitions pour carabines…

 

Depuis l’interdiction en 1991 aux Etats-Unis du plomb pour la chasse en zones humides, les cartouches « non-toxiques » pour fusils ont beaucoup progressé. Elles demeurent néanmoins toujours en retrait des munitions à grenaille de plomb. Pour certaines, en efficacité, pour d’autres en respect des armes, pour d’autres encore en coût, voire en cumul de deux de ces critères ou même des trois. Mais les innovations se poursuivent…

 

- Les premiers temps:

L’acier est initialement le seul matériau utilisé en remplacement du plomb. Nettement moins efficace et maltraitant rudement les canons des fusils (sa dureté Brinell est de 120 contre 15 pour le plomb durci), il inquiète à son arrivée en Europe. Les fabricants de munitions de notre continent lui transfèrent toutefois immédiatement la haute maîtrise qu’ils ont développée au fil des décennies avec le plomb. Beaucoup de chasseurs s’équipent de fusils éprouvés pour les cartouches « hautes performances » bien sûr plus efficientes que les munitions « standard ». Ils s’habituent à tirer des billes plus grosses d’un à deux numéros par rapport aux dimensions qu’ils utilisaient avec le plomb. Enfin, ils se familiarisent avec les corrections de visée à réaliser sur les oiseaux en vol : moindres qu’avec le plomb, jusqu’à 20-25 mètres en raison de la vitesse initiale plus élevée de la gerbe, supérieures ensuite avec le freinage plus important de l’acier lié à sa faible densité (7,8 contre 11,0 pour le plomb durci). L’acier reste cependant moins performant que le plomb…

 

De nombreuses alternatives au plomb apparaissent au fil des années:

 

Le très malléable bismuth allié avec un peu d’étain pour améliorer sa tenue à l’impact (dureté Brinell de 10 contre 15 pour le plomb durci) convient à toutes les armes. L’intérêt qu’il suscite à ses débuts reflue toutefois rapidement en raison de son efficacité inférieure à ce que suggère sa densité (9,6) et il n’occupe plus qu’une place marginale.

 

 

Le zinc mêlé d’un peu d’étain pour atténuer sa fermeté, d’une dureté (18) analogue à celle du plomb extra-durci nickelé, est utilisable dans toutes les armes en bon état. Sa faible densité (7,2) le rend cependant encore moins efficace que le bismuth et il est aujourd’hui quasiment abandonné…

 

 

Le tungsten matrix, agrégat de poudre de tungstène et de résine synthétique, approche le plomb durci en dureté (12 contre 15) et en densité (10,8 contre 11,0). Mais il déçoit par ses billes moins régulières que les grains de plomb et, étant de surcroît très onéreux, son devenir apparaît limité…

 

 

Le sphero tungsten, dont les billes à haute densité (12,0) sont formées d’un noyau en tungstène entouré d’une couche de fer puis d’une pellicule d’étain, constitue le substitut au plomb le plus performant, avec une efficacité même supérieure. Plus dur encore que l’acier (150 contre 120), il ne convient toutefois qu’à des fusils extrêmement robustes et son tarif très élevé dissuade.

 

Le plus récent substitut au plomb est le cuivre. Plus dur que le plomb (35 contre 15) il l’est cependant beaucoup moins que l’acier (35 contre 120) et il respecte donc infiniment mieux les armes. Il y ajoute des performances observées supérieures à ce que sa densité (8,9) laisse a priori imaginer. Ce double avantage, associé à un coût élevé mais acceptable par une large part des chasseurs, lui ménage certainement un réel devenir.

 

 

D’autres substituts parfois assez étranges, tel l’alliage aluminium - bismuth - zinc - étain, tentent aussi leur chance, mais ils manquent d’arguments. Quant aux chargements mixtes acier et bismuth, acier et cuivre ou acier et tungsten matrix, ils connaissent une certaine vogue… probablement éphémère en raison de leur rapport efficacité - prix peu attractif.

 

 

L’acier devrait donc – hormis auprès des possesseurs de fusils de grande valeur qui continueront vraisemblablement à utiliser le bismuth, voire le tungsten matrix – largement s’imposer, avec le cuivre en alternative « haut de gamme ». 

 

- Retour aux sources:

Les premières armes à feu utilisées au 15e siècle pour le tir du petit gibier étaient toutes chargées avec de la grenaille de fer rudimentaire, en fait de menus déchets de forge opportunément recyclés pour cet usage. Les grains de plomb, de forme assez aléatoire à leurs débuts d’où alors leur appellation de dragées, n’ont commencé à les remplacer qu’au milieu de 16e siècle. L’emploi de billes d’acier dans nos fusils actuels constitue donc un étonnant retour aux origines des armes de chasse !

  

Source : Chasse & Nature, 5 octobre 2021, Texte de Francis Grange

 

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13/12/2022
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