La chasse des petits migrateurs.
Redécouvrez le patrimoine culturel de la chasse au petit gibier migrateur en France : grives, merle, alouette, étourneau. Une somme sur tous les modes de chasse, tous les petits migrateurs. Quelles armes et munitions utiliser ? Chasser avec quelles races de chiens ? Quels sont les modes de chasse par région ? Qu’en est-il des chasses traditionnelles aujourd'hui et pour l'avenir ? Telles sont les questions auxquelles les auteurs apportent des réponses documentées. Ce livre complet et richement illustré comblera les attentes de tous les chasseurs qui souhaitent mener une autre quête, ludique, rustique et buissonnière, génératrice des plus belles émotions.
Date de parution prévue: 12 Septembre 2024.
Les auteurs:
A l'instar des 3 mousquetaires d'Alexandre Dumas, ils sont 4:
- Jean-Claude Ricci (auteur et directeur scientifique de recherche de l'Institut Méditerranéen du Patrimoine Cynégétique et Faunistique, IMPCF)
- Pascal Durantel (auteur et journaliste cynégétique du Chasseur français
- Kevin De Rorre (auteur et éditorialiste de la Revue Nationale de la Chasse)
- Aurélien Legrand (auteur et journaliste cynégétique et halieutique)
192 pages; format 19,00 x 23,00 cm, illustrations: couleur; broché
Editions du Gerfaut (collection: Petits Gibier).
Prix: 29,50 €
Baguage des appelants grives (5) - suite.
2 articles sur "La Brève du Chasseur du 13"
(FDC Bouches du Rhône, vendredi 23 Août 2024)
- Le premier s'intitule:
PETIT RAPPEL SUR LA GLU, LES APPELANTS ET LA CHASSE AU POSTE
" Début mai, le Conseil d’Etat, en annulant les arrêtés cadre proposés en 2022 pour la chasse traditionnelle des alouettes, réduisait quasiment à néant les espoirs d’obtenir des arrêtés-cadre pour toutes les autres chasses traditionnelles. Pourtant, pour les alouettes, les arrêtés assuraient le caractère sélectif de la pratique, l’encadrement et le contrôle et un quota de prélèvement faible au regard du bon état de conservation des populations. C’est encore une position dogmatique qui prenait le pas sur les arguments rationnels proposés par la FNC.
Nous aurions pu penser que pour la glu, les choses en resteraient là mais, début juillet, après la dissolution de l’Assemblée nationale et en recherche de soutiens politiques, le Ministre BÈCHU a fait publier au Journal officiel un arrêté imposant que les appelants de grives utilisés pour la chasse soient issus d’élevages.
Nous avions eu connaissance de ce projet d’arrêté dans le courant de l’hiver. La FNC et son Président, W. Schraen, nous avait assuré être intervenu auprès du Ministère pour le bloquer. Sa publication légale n’était pas d’actualité. Nous étions intervenus, avec le Collectif glu, auprès du Président du groupe chasse de l’Assemblée nationale, lors de notre rencontre du mois de Mars, pour faire la même demande.
Ce nouvel arrêté, par cette disposition, portait une double attaque. L’une contre la glu et l’autre contre la chasse au poste. Les fédérations, sur le conseil de la Fédération nationale, ont fait le choix de défendre au mieux la chasse au poste. Ainsi, elles n’ont pas attaqué cet arrêté et elles ont demandé des modifications pour que les appelants détenus par les chasseurs puissent continuer à être utilisés.
Les Fédérations des chasseurs ont pour mission de défendre la chasse dans son ensemble et l’intérêt de tous les chasseurs ou, au moins, du plus grand nombre. C’est en ce sens que leurs missions diffèrent radicalement des missions des associations de chasse spécialisées.
Pour la chasse à la glu, rappelons qu’à ce jour, elle est dans la même situation que toutes les autres chasses traditionnelles à l’exception des chasses à la palombe aux pantes et aux matoles. La défense de ces chasses se poursuit tant au niveau national que local. Pour toutes, il faut obtenir des arrêtés d’expérimentation pour espérer pouvoir rédiger de nouveaux arrêtés cadre. La question que nous nous posons tous est de savoir quel gouvernement, dans la situation politique actuelle, les prendra.
Dans tous les cas nous restons optimistes en étant conscients que le retour à une pratique de la chasse à la glu ne sera possible qu’à la suite de profondes modifications qui garantiront la sélectivité de la capture."
D'où il ressort, si je comprend bien, que:
- Les Fédérations PACA (hors la Fédé Vaucluse), sur les conseils de la FNC (?), en n' attaquant pas l'arrêté ministériel, ont sacrifié la capture des grives à la glu pour "mieux défendre la chasse au poste" (sic !)...
- Cette chasse au poste sera, dans les faits, tellement "mieux défendue" que seuls pourront continuer à chasser au poste ceux qui possèdent déjà des appelants ou qui auront le moyens financiers d'acheter, à prix d'or, des oiseaux nés et élevés en captivité et de les entretenir dans des installations adéquates...
En clair, sous le prétexte de "défendre la chasse dans son ensemble et l’intérêt de tous les chasseurs ou, au moins, du plus grand nombre" les Fédérations Départementales, n'ont fait que reculer la mort inéluctable de la chasse au poste populaire !
- Le second article s'intitule:
ARRETE APPELANTS
" Concernant les appelants, nous n'avons pas à ce jour des précisions techniques du Ministère permettant le baguage des oiseaux. Une CERTITUDE, vous pourrez utiliser vos appelants détenus avant le 01 octobre pour chasser la grive, sans que celle-ci soit baguée car ce baguage devra être fait pour le 01 janvier 2025, mais toutes les Fédérations sont d'accord pour demander un report de cette date. Si certaines personnes ou associations ne sont pas d'accord avec les décisions prises par les responsables fédéraux, rien ne les empêche de saisir la justice pour demander l'annulation de cet arrêté qui apparemment, à leur sens, est largement contestable. Il est indubitable que pour certains la critique est facile, par contre l'action est plus difficile ! Pour cette même catégorie de personnes qui racontent n'importe quoi sur les réseaux, sachez que leur seul intérêt est la commercialisation de la grive. Il est vrai que la vente d'un appelant qu'ils affichent à 390€ est motivant...!!! Voici l'annonce ci-dessous mise en ligne sur leur site, avec cette pratique de prix, nous sommes très loin de notre chasse traditionnelle et populaire..."
Et voici les tarifs annoncés:
- Ramageurs:
Grives litornes (chachas): 350€
Grives musiciennes (tourdres): 390€
Grives siffleuses (quines): 330€
Grives draines (serres): 270€
Merles:300€
- Non ramageurs: 200€
On notera que la FDC 13, déplore ces prix astronomiques (faites le calcul du coût d'une petite batterie d'appelants, même non ramageurs ...)
La FDC 13, déplore, mais se désolidarise, simultanément, des associations spécialisées:
" Si certaines personnes ou associations ne sont pas d'accord avec les décisions prises par les responsables fédéraux, rien ne les empêche de saisir la justice pour demander l'annulation de cet arrêté qui apparemment, à leur sens, est largement contestable."
Donc, les Fédérations (à l'exception de la FDC Vaucluse) ont, d'une part, renoncé à attaquer l'arrêté glu et d'autre part, elles s'élèvent contre les tarifs exorbitants des éleveurs !
En clair, avec le baguage "ouvert" des appelants détenus avant le 1er Octobre, les Fédérations Départementales ont opté pour le sursis avant la mort de notre passion.
Morale de tout cela:
Quand on a des amis comme ça, on n’a pas besoin d’avoir d’ennemis !!!
RG
- Dernière pièce essentielle au dossier:
Communiqué de l’ANDCTG - 30 juillet 2024
"Le 02 juillet 2024 une modification a été apportée à l’arrêté du 04 novembre 2023 par la directrice de l’eau et de la biodiversité relatif à l’usage des appelants. Cette modification a pour but de restreindre l’utilisation d’appelants stipulant dès le premier article que désormais les appelants devront être nés et élevés en captivité. Ne nous leurrons pas, cette modification est clairement un levier pour mettre définitivement un terme à la pratique de la chasse traditionnelle à la glu Suite à cette publication la FRC PACA a réuni le lundi 15 juillet toutes les fédérations concernées, la FNC et l’ANDCTG afin de réagir au plus vite. Suite à cette réunion il a été décidé d’attaquer cet arrêté intolérable et inacceptable Le mercredi 17 juillet le Ministère s’est dit prêt à négocier et à réaliser des modifications à cet arrêté Entre la FNC, la FRC, les fédérations Paca et l’ANDCTG, des désaccords sont apparus. L’ANDCTG et la Fédération Départementale des chasseurs du Vaucluse maintenaient leur position d’attaquer l’arrêté. Malgré ce désaccord, la Fédération Régionale des Chasseurs a décidé d’accepter la négociation avec le ministère en s’abritant uniquement derrière une majorité des votants et en écartant l’ANDCTG qui ne partageait pas la façon de penser et donc qui dérangeait. Or, face une décision aussi importante qui concerne l’ensemble des chasseurs au poste, choisir de s’abriter seulement derrière une majorité sort totalement du cadre de toute éthique où l’unanimité devrait être représentée par respect pour la démocratie et pour demeurer solidaire face aux attaques incessantes du ministère. Accepter de transiger avec le ministère, certes permettra de continuer d’utiliser nos appelants capturés précédemment à la glu, mais cela aura pour grave conséquence les points suivants : - Abolition définitive de notre chasse traditionnelle - Baguage et recensement obligatoires de nos appelants - Bien que le ministère propose, pour l’avenir, une solution d’utilisation d’appelants issus de l’élevage, il va de soi, d’une part, que pas tous les chasseurs seront en capacité de le mettre en pratique (problème d’infrastructure extérieure) et d’autre part, la commercialisation étant à ce jour interdite, la plus grande partie des chasseurs ne pourra plus s’en procurer. - Ainsi, plus aucune alternative ne sera possible pour les chasseurs.
Si nous avons souhaité communiquer cette information c’est avant tout pour crier notre refus de devoir nous résigner à assister, impuissants, à la mort d’une de nos pratiques. D’autre part, nous avons tenu également à manifester notre désaccord face à cette négociation entre le ministère et certaines fédérations qui dans tous les cas représentera qu’une solution à très court terme ne garantissant pas la pérennisation de notre pratique de la chasse au poste. Et enfin, il nous semblait pertinent de communiquer, au plus grand nombre, un éclairage réaliste de la situation afin que chacun puisse être au même niveau d’information et puisse éventuellement réagir auprès de leur fédération pour leur faire part de leur avis. Loin de nous l’idée de vouloir créer une scission entre tous les intervenants mais nous ne pouvons pas nous plier à une décision qui est loin d’être partagée par tous et qui va à l’encontre de la défense de nos pratiques ancestrales."
Source: ANDCTG, ww.chasse-grives.fr
Les grives de l'Etoile.
Réécrire, pour la publier, une thèse de doctorat d’histoire sur “Mémoire et imaginaire d’une pratique cynégétique dans le terroir marseillais” est l’aboutissement d’un long cheminement...
L’auteur croise la description d’une pratique de chasse très particulière que l’on appelle en Provence la chasse au poste à la grive, avec un ensemble de sources très variées et une démarche de recherche en histoire.
Il s’agit de mettre, ou remettre, en perspective des pratiques dans la durée, de chercher des références, des repères de temps et d’espace sans négliger pour autant ce qui est finalement l’essentiel, c’est-à-dire l’émotion des petits matins d’octobre quand les premiers “tchick tchick” s’échangent entre les “appelants” et les migratrices, qu’un petit Mistralet juste ce qu’il faut fait frémir les "arquets" et les "povadous", que l’on sent que ça va passer.
La chasse au poste relève d’une culture spécifique, elle revendique le registre des “traditions”.
Allez, en guise de mise en bouche, quelques passages de ce livre unique en son genre:
" La première invitation à participer à une matinée de chasse au poste à la grive et toutes les sensations ressenties dans cet espace clos, réduit et, au moins pour celui-là, édifié de façon très rudimentaire, demeurent gravés dans ma mémoire. L'exclamation d'un de mes témoins lors de mes entretiens prend tout son sens : "les grands aussi font des cabanes... ".
La promiscuité, le froid vif, l'attente avec les yeux rivés sur le ciel et les arbres, tous les sens en éveil représentent autant de repères affectifs et de projections potentielles qui conditionnent des comportements, des choix et des attitudes... "
ou encore:
" quelle drôle de chasse, où parfois, on capture le gibier comme on cueille un fruit ou comme on décroche un poisson de l'hameçon...
Curieuse technique où l'on utilise des mots, des savoir faire et des outils de pratique de cueillette ou de pêche, curieuse chasse où l'on parle oiseau, curieux chasseur qui se poste et attend que sa proie réponde à ses appels, à ses invitations pour se poser là où il le désire. "
La suite ? Hé bien pour la connaître il faudra vous procurer ce livre qui part à la découverte des racines de notre passion !
─
- De l'auteur :
Guy Piana, est né à Marseille en 1947 (tiens, la même année que moi !).
Ancien élève de l'Ecole Normale d'Aix en Provence, successivement instituteur, professeur d'histoire, chef d'établissement, principal de collège et proviseur, il a soutenu une thèse de doctorat d'histoire en 1992.
- Editeur: Vial B
- Format: 16×22 cm – 280 pages
Baguage des appelants grives (4) - suite.
Fédération Départementale des Chasseurs du Var
Vendredi 9 Août 2024, 13h52
Source: Page Facebook de la FDC 83 ( https://www.facebook.com/federationdeschasseursduvar )
Apparemment le Var est à la pointe de l'information !
On en apprend chaque semaine un peu plus !
Quid des grives blessées et soignées ? Pourront elles être conservées (et baguées) comme appelants ou bien faudra t'il les achever ?
Est ce un oubli ?, mais la FDC 83 écrit "... tout nouvel appelant devra obligatoirement être né et élevé en captivité... " sans préciser né et élevé en France ou ailleurs...
Quelle usine à gaz on est en train de mettre en place quand on sait que les 5 espèces de turdidés chassables (musiciennes, siffleuses, litornes, draines et merles noirs) sont classées LC (préoccupation mineure, espèce pour laquelle le risque de disparition est faible) dans la liste rouge de l'UICN.
A suivre...
RG
Chasses à la grive autrefois dans le bas Bugey.
Bon, c'est un fait, ce texte est particulièrement long comme me l'a fait remarquer mon aimable co-lectrice !
On dira que le style est "daté" (XIXe siècle) ... Et encore, j'ai épargné le lecteur en supprimant les très très longs hors sujets qui mis bout à bout doublent la longueur du texte.
Tel quel, il présente un intérêt documentaire certain sur les pratiques de chasse traditionnelles dans l'Ain dans les années 1800.
RG
Si la poursuite du gibier a ses charmes, l’attente immobile ne manque pas non plus de douceurs. La pipée a ses fanatiques, l'affût ses martyrs, le miroir ses amateurs, surtout quand de jeunes dames viennent en souriant s'asseoir sur un coussin et consentent à tirer la ficelle; la traînasse, la tomberelle et la longue série des filets auraient leurs sectateurs si l'autorité ne veillait pas, et si le garde n'était pas chargé d'apprendre aux profanes que la chasse est simplement une distraction et un plaisir et non une spéculation et un ravage.
Tous les filets, cependant, ne sont pas défendus. On les emploie à prendre les pigeons dans les Pyrénées, on les autorise dans certains pays, pour la grive et la bécasse.
Cette dernière chasse est populaire dans le département de l’Ain ; il n’est pas de vigneron qui n'ait sa pantière; beaucoup de fils de famille qui chassent au fusil dans la journée, s'empressent, le soir avant la tombée de la nuit, ou une heure ou deux avant l'aurore, de charger leur sac sur le dos et de gagner la montagne où leur poste est préparé.
Pendant les longues soirées d'hiver, quand la neige tombait, quand le vent sifflait et que la famille assemblée travaillait autour du feu, on a raccommodé et mis en état toutes les mailles de la pantière. Voilà l’automne, les raisins sont mûrs, les grives arrivent: c'est le moment de s'établir.
On choisit à bord de bois, dans un sentier, une clairière, non loin des vignes, un endroit propice, ni trop vide ni trop ombragé. On plante, à cent pieds de distance, deux hautes et fortes bigues ou perches dont le haut est fourchu ; parfois, on se sert d'une forte branche dépouillée faisant crochet à un arbre élevé; l'essentiel est que le support soit solide et que la corde glisse rapidement dans la fourchette qui sert à hisser le filet.
Une perche longue, légère et fourchue sert à élever le cordeau et à le passer à la fourchette Immobile.
On tire sur la corde, et le filet monte lentement jusqu'à la hauteur de la bigue ou de l'arbre qui sert de premier support.
On attache, par un nœud simple et facile à défaire, la corde à hauteur d'appui et l'on court à la seconde bigue faire la même opération.
Le filet est tendu ; une haute muraille verte dont le tissu se confond avec le feuillage, sépare la partie du bois où l’oiseau a dormi de la vigne où il va prendre son repas matinal.
On jette sur le sol un dernier coup d'œil; on coupe les branches qui pourraient gêner ou déchirer le filet, on aplanit les herbes de la clairière, on nettoie, on est inquiet, on revient. La forêt tout entière murmure, les chasseurs occupent tous les passages ; il y a là, de distance en distance, toute la jeunesse du village; l’un emprunte une serpette, l’autre a égaré sa perche, un autre a cassé sa cheville ; puis chacun se range debout et attentif au pied de sa bigue; un immense silence se fait, on croirait être dans une forêt vierge, dans un monde vide et désert; on attend.
Chaque chasseur tient sa corde dans sa main, l’oeil fixé vers la sortie du bois, à la hauteur de la pantière. Le cœur bat d'espérance, les rêves les plus roses éclosent et s'épanouissent : on pense que les grives vont être abondantes et pressées, que, pour descendre, une bécasse pourrait bien choisir ce passage; qu'une compagnie de perdrix est dans le canton et que rien ne l’empêcherait de venir se jeter toute entière dans le filet. Quelle nouvelle dans le pays!
Quelle aubaine ! quel triomphe pour le chasseur !
Nous avons fait cette chasse, sur les collines qui bordent la rivière d’Ain et nous avons rarement éprouvé de moment plus délicieux que celui qui précédait le réveil du gibier.
Les dernières heures de la nuit s'écoulaient ainsi. Puis les étoiles pâlissaient ; la nuit devenait d'un bleu doux et tendre, l'air fraîchissait ; sous ce souffle imperceptible du matin, les habits devenaient plus légers. Alors, l'attention redoublait; la chasse allait commencer.
Le premier être qui s'agitait dans le silence des bois était le faux-bourdon (1). Son grondement ailé, le bruissement rapide et continu de ses ailes, ce bourdonnement sonore qui lui a fait donner son nom était le premier signal du réveil de la forêt Le faux-bourdon, désireux de déjeuner, quittait son arbre et volait sans idée bien fixe et bien arrêtée; arrivé devant les mailles du filet, il trouvait un obstacle inconnu, insolite qui l'inquiétait et piquait sa curiosité ; il passait et repassait à travers les fils invisibles, en haut et en bas, à droite, à gauche, étudiait ce mystère qui dépassait les bornes de son intelligence, puis donnant sa langue au chat, s'éloignait sans avoir compris ce que pouvaient être ces fils tendus sur son passage et dont ses amis ne lui avaient jamais parlé.
Le second par ordre, le second aussi par la taille et la curiosité, était le roitelet, qui passait fier et gai, l’estomac vide et déjà joyeux et de bonne humeur !
Aussi pour lui, ces mailles étaient un problème; les fils verts échappaient à sa vue; il les heurtait de l'aile, mais ils ne l’empêchaient pas de traverser. Inquiet, vivement intrigué, il allait, venait, revenait, se faisait un jeu de passer et de repasser à travers les mailles; puis l’appétit parlant plus haut, le roitelet partait à son tour laissant ce mystère incompris.
Après le roitelet, venait le rouge -gorge. Courageux, hardi, confiant, le rouge-gorge se heurtait, revenait se frottait aux mailles en faisant entendre un petit cri de méfiance et d'étonnement. Rien n'est gracieux comme l'éclat métallique de son chant; ce jeu répété plusieurs fois, le rouge-gorge fuyait, aussi curieux, aussi ignorant du mystère que ses devanciers.
Voilà que dans la forêt éclate la trompette du merle. Il se réveille, moqueur et sauvage; il fait claquer son bec et s'avance, non en volant comme un étourdi, mais en sautant de branche en branche, écoutant, éclairant sa route, sondant le terrain et se méfiant de tous les dangers.
Voilà le merle ; le silence est plus profond encore, le gibier est rusé; toutes les respirations s'arrêtent, tous les mouvements sont suspendus.
Il s'approche en zigzag, et son cri moqueur indique le scepticisme et l'égoïsme de son esprit; son œil plonge au loin, il écoute, il raille, il se moque ; il va déjeuner, là-bas, dans la vigne, avec des vers et du raisin ; il se réjouit, mais ne se presse pas; les bois sont si peu sûrs; mais bien fin qui le surprendra. Il s'approche, fait un saut, tressaille et s'arrête. Tout son être est immobile; sa prodigieuse sensibilité l'a prévenu, le fluide magnétique du filet vert lui a envoyé ses effluves, quel est ce danger qu'il soupçonne, qui l'effraye et qu'il ne connait pas ?
Il saute en arrière, rien; il saute en avant et frémit. Il monte au sommet des taillis, le danger existe encore. Il saute à droite, il saute à gauche, partout l’effluve l'impressionne ; il regarde et ne voit rien ; il écoute et n'entend rien. Il crie, s'impatiente, claque du bec, s'irrite, creuse sa mémoire, sonde son cerveau, se demande si ce danger lui a déjà apparu? Il ne se souvient de rien. Ses parents, dans son enfance, ne lui ont pas révélé ce danger.
Est-ce une bête féroce qui est devant lui? Il la provoque comme il fait du loup, du renard, de la fouine; rien ne répond. Est-ce la chouette? Il la verrait, et d'ailleurs, il la connaît, il l'a combattue et poursuivie assez souvent.
Il se rassure, s'encourage; il crie plus fort pour n'avoir pas peur; son estomac le tiraille; il faut en finir, le déjeuner est là-bas et les autres auront bientôt tout pris ; c'en est fait, il vole en avant...
Au premier coup d'aile, il est dans les mailles du filet; il est captif, le filet tombe et un poids immense pèse sur lui.
Alors, il pousse des cris déchirants, le désespoir inonde son coeur. Voilà donc ce danger qu'il pressentait; il aurait dû le deviner, fuir en arrière, faire un grand contour, au besoin attendre sous bois. Ah! le malheureux qui s'est laissé surprendre, ah! l'infortuné qui va mourir, mourir, lui, si fin et si rusé, pris au piège, lui si méfiant. Au secours ! vous autres, au secours !
Mais c'est bien pis, voilà le chasseur qui se précipite en se baissant ; les cris et les sauts redoublent à son approche; il essayerait volontiers les coups de bec, mais il est trop gêné. Une main leste le saisit, et du pouce et de l'index, lui écrase la tête; il a vécu.
Le chasseur retourne en courant à sa bigue ; le filet est rapidement relevé ; un grand silence se fait à nouveau.
Voilà qu'un coup de sifilet retentit dans le bois; c'est un cri aigu comme celui de la balle sur le champ de bataille, et au même instant passe droite et rapide une masse qui donne dans le filet.
C'est une grive gourmande qui allait picorer et qui, folle, imprudente, quoique nerveuse et sauvage, se confiant dans la rapidité de son vol, est venue piquer la tête au beau milieu du danger.
Le filet tombe, le chasseur se précipite, la ramasse, L’étouffe et relève son filet.
Quatre, cinq, six grives la suivent à peu de distance.
Quelquefois, une d'elles franchit le pas avant que le perfide engin ne soit relevé ; quelquefois, une autre passe à deux doigts plus haut que la cordelle, et voilà que les étoiles sont complètement effacées, qu'une ligne grisâtre paraît au dessus des montagnes, et que la bise qui fraîchit annonce que bientôt l'aurore va se lever.
Alors, parfois, une ombre passe dans la forêt. L'apparition est rapide; ni cri, ni coup d'aile ne l'ont fait pressentir.
C'est un boulet de canon qui passe sans sifflement et qui s'est jeté à votre insu dans vos mailles.
Ouvrez l'œil, lâchez la corde, ayez la main légère et prompte, car c'est une bécasse, un morceau de roi qui est venu se faire capturer.
On commence à distinguer les objets dans la forêt; les oiseaux ont fini leur passage, on peut détendre les cordes et faire joyeusement son paquet.
Alors, la forêt silencieuse qui semblait vide est tout à coup pleine, animée et bruyante ; tout le monde s'appelle, se reconnaît, s'interroge, s'interpelle ; un voisin en causant a fait manquer un coup superbe; une fourchette a cassé, une corde n'a pas glissé, une bécasse a passé trop haut; l'un a son carnier plein, l'autre n'a pas eu de chance; on se cherche, on se groupe, on discute en descendant, on se donne rendez-vous pour le chien d'arrêt ou les chiens
courants, et on va rejoindre, à Ambérieu, à Jujurieux ou à Poncin, le déjeuner qui vous attend.
Ici se pose une question.
Est-il vrai que la grive soit un oiseau ivrogne et qu'elle boive, s'abrutisse et tombe dans tous les excès, dans toutes les dégradations des buveurs de profession ?
Les anciens l'ont regardée comme un oiseau de mauvaise vie. On l’avait consacrée à Bacchus, et un proverbe calomnieux comme beaucoup de proverbes, dit insolemment : saoul comme une grive.
D'abord, parce que le vin fermenté peut enivrer, est-ce une raison pour qu'une graine de raisin, cueillie et picorée sur le cep, puisse troubler la raison et monter à la tête ?
J'aurai de la peine à en convenir.
Soyons justes, même avec les pauvres grives qui elles auraient bien d'autres choses à nous reprocher.
c'est la calomnie impure qui a souillé la grive et non la médisance, sa non moins dangereuse sœur.
Rendons-lui donc justice à cet oiseau charmant; ne lui prêtons pas un de ces vices honteux qui dégradent l'humanité ; c'est bien assez de l'ivresse de l’homme dans le monde sans y ajouter celle de cette aimable créature.
A la pantière ou au fusil, la chasse à la grive est charmante, qui pelote ce gibier dans une vigne à échalas est un fin tireur, un maître.
La grive est élégante de forme, jolie de couleurs, vive et enjouée de caractère, délicieuse au goût. Allons, de grâce, confrères en saint Hubert, mangeons-la, mais ne la calomnions pas.
Aimé VlNGTRINIER.
(1) Faux-bourdon: abeille mâle
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Source: Archives de l'Ain; "Fantaisies lyonnaises : Chasse à la grive, avec une introduction de Joséphin Soulary ; Pêche à l'alose ; la Statistique à Lyon ; la Damnation de Gounod, etc. (1882)"
https://www.archives.ain.fr/archives/archives/fonds/FRAD001_BIB-E/view:all/page:28?pagination=50
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