Des grives aux merles

Des grives aux merles

LA CHASSE AU FUSIL, G.-F. Magné De Marolles.

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   Gervais-François Magné de Marolles (1727-1795), est né à Tourouvre-au-Perche (Orne).

   Il est considéré comme l'un des plus illustres écrivains et bibliographes cynégétiques.

   "La Chasse au Fusil" est le premier ouvrage français consacré exclusivement au fusil de chasse et à la chasse à tir.

   C'est également le premier traité de chasse complet.

   Edité en 1788, l'ouvrage comporte deux parties:

   -La première contient des recherches sur les armes de chasse qui ont précédé les armes à feu, un détail de la fabrication des canons de fusil, l'examen de plusieurs questions relatives à leur portée.

   -Dans la seconde, on trouve les connaissances nécessaires pour chasser utilement les différentes espèces de gibier qui se trouvent en France, et les détails de plusieurs chasses particulières à quelques provinces. 

  La première édition est publié en 1788, une deuxième édition revue, corrigée et augmentée par l'auteur est publiée post-mortem en 1836. 

 

  

 

 

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  Le texte ci-dessous est un extrait de l'édition de 1788, section III, intitulée "De la chasse des Oiseaux de terre", chapitre XII, "De la Grive; du Merle et de l'Etourneau".

  Afin de garder toute sa saveur à l'ouvrage de Magné de Marolles, j'ai respecté l'orthographe de l'époque.

   RG

 

 

    

 

  

 

 

 

 CHAPITRE XII.

 

 

De la Grive ; du Merle, et de l’Etourneau.

 

 

I.

 

De la Grive.

 

 

Il y a quatre espèces de grives ; la draine ou grive de gui, qui est la plus grosse, appelée de ce dernier nom, parce qu’elle mange, en hiver, le fruit du gui, et se perche par préférence sur les arbres où il s’en trouve ; la litorne, appelée claque en Normandie, à cause de son cri, qui est cla, cla, cla. Celle-ci ne paroît qu’à l’entrée de l’hiver ; elle va par troupes : quand on en voit beaucoup, et qu’on les entend crier fréquemment, elles annoncent le froid et la gelée. Elle se tient volontiers dans les frîches, les prairies, et hante peu les bois. Ces deux espèces de grives sont les moins bonnes à manger. La première est ordinairement amère, à cause du gui qu’elle mange ; et l’autre est sujette à sentir le genièvre, qui est sa principale nourriture.

Vient ensuite la grive proprement dite, à-peu-près grosse comme la litorne, mais bien meilleure à manger. Elle est appellée tourde dans nos provinces méridionales, particulièrement en Provence ; dans d’autres provinces, vendangeuse ou grive de vigne, parce qu’elle aime beaucoup le raisin.

Enfin, la quatrième espèce est le mauvis, appellée autrement petite grive, touret, rosette, grive champenoise, et qui a encore d’autres noms suivant les différentes provinces. On la distingue particulièrement, parce qu’elle a le dessous de l’aile de couleur orangée.

Toutes les grives sont des oiseaux de passage ; mais il ne laisse pas d’en rester beaucoup qui nichent et pondent dans nos pays, excepté, néanmoins, la litorne ou claque, qui se retire dans les pays du nord, où elle trouve du genièvre en abondance. Il nous reste très-peu de petites grives ou mauvis pendant l’hiver, et il est rare qu’elles nichent dans nos contrées.

La chasse des grives est très-agréable au temps des vendanges. Enivrées par le raisin, elles se laissent approcher plus facilement dans les vignes et sur leurs bords que par-tout ailleurs. Elles sont encore très-friandes des olives : elles trouvent l’un et l’autre dans nos provinces méridionales ; ce qui fait qu’on y en voit en plus grande quantité qu’ailleurs, et qu’elles y sont, en général, plus grasses et de meilleur goût. Depuis que le raisin commence à mûrir, jusqu’après la vendange, on en voit peu dans les pays où il n’y a pas de vignobles ; mais, ce temps passé, elles se répandent par-tout où elles trouvent du genièvre, du nerprun, des cenelles, et autres baies dont elles se nourrissent. Vers la toussaints, elles viennent en foule aux aliziers, dont le fruit leur plait beaucoup, et en se mettant à l’affût sous un de ces arbres, on est assuré d’y faire bonne capture ; souvent à peine donnent-elles le temps de recharges. Il en est de même des merises ; mais la saison de la maturation de ces fruits étant le mois de juin, ce n’est guères la peine de s’amuser à cette chasse, attendu que c’est le temps où elles sont occupées du soin de leurs petits, et qu’elles sont maigres alors ; que d’ailleurs, en détruisant une grive, on détruit, le plus souvent, toute une famille de ces oiseaux, ce qui doit répugner à un chasseur.

La véritable saison pour tuer des grives est depuis la fin septembre, temps où les raisins sont en maturité, jusqu’aux premières gelées, qu’elles commencent à disparoître. Mais pour en tuer beaucoup, il faut les tirer au vol, ce qui demande une certaine adresse, et n’appartient pas au commun des chasseurs. On en tue peu, lorsqu’on ne sait les tirer que posées dans les arbres, les occasions en étant bien moins fréquentes que celles de les tirer au vol. Les pays couverts et coupés de haies sont très-propres pour tuer des grives dans l’arrière-saison : deux chasseurs qui s’entendent pour battre une haie, en la longeant chacun de son coté, sont assurés de tuer des grives et des merles, en les tirant au vol à mesure qu’ils partent.

En Provence, et particulièrement dans cette étendue de terrein qui environne Marseille, et qu’on appelle le taradou on chasse beaucoup les grives à l’arbret. L’arbret (en provençal aubret) est un petit arbre planté exprès pour la chasse dont il s’agit, appellée aussi chasse au poste, parce que le chasseur se tient caché dans une petite cabane à laquelle on donne ce nom. Cette chasse qui se fait dans l’enceinte même des bastides, non-seulement pour les grives, mais pour les ortolans et bec-figues, est un des amusements les plus chéris de la jeunesse de Marseille, et l’on prétend qu’il se trouve au moins 4000 postes dans le taradou, qui forme un pourtour d’environ quinze lieues, couvert de quinze mille de ces habitations de campagne appellées bastides. Voici le détail de cette chasse.

On choisit dans une vigne, de celles qui se trouvent encloses dans les bastides, un petit tertre ou monticule, qu’on se procure artificiellement s’il ne s’en rencontre pas un sur le lieu. On y plante un petit bouquet de jeunes pins, et au milieu un arbre de quinze à vingt pieds de haut. L’amandier est celui qui convient le mieux, par la raison que sa feuille est fort petite, et cache moins les oiseaux. Au défaut d’un arbre naturel et verd, on peut se servir d’un arbre sec qu’on plante dans le tertre. Les grives, et même les autres oiseaux s’y perchent également, excepté néanmoins l’ortolan, qui préfère les arbres verds. Parmi les jeunes pins, on a soin de mêler quelques arbrisseaux de ceux qui portent des baies qu’aiment les grives, comme myrtes, genièvres, etc. On place à terre, entre ces pins et arbustes, dans des cages, pour servir d’appeaux, cinq ou six grives prises aux gluaux, et conservées dans des volières, où on les nourrit de figues hachées avec du son et du raisin noir. Ces cages sont suspendues à des piquets, à deux ou trois pieds de terre. A quelque distance de l’arbre, on construit une cabane fort basse, en creusant la terre de deux ou trois pieds, de manière qu’elle n’excède le niveau du terrein que d’à-peu-près autant, et on la recouvre en dehors de ramée et de lierre qui est toujours verd, afin qu’elle effarouche moins les oiseaux, et que sa verdure se maintienne plusieurs jours. Il y a de ces cabanes construites en maçonnerie, et avec quelques commodités, et autour desquelles, pour en dérober la vue aux oiseaux, on plante quelques arbustes. Le chasseur se tient tapi dans sa cabane, et au chant des appeaux, il arrive de temps en temps des grives qui viennent se poser sur l’arbre, et qu’il tire, à mesure qu’elles se présentent, par de petites ouverture ménagées à la cabane. La saison de cette chasse est depuis les derniers jours de septembre jusqu’à la fin d’octobre. On la commence dès la pointe du jour ; jusqu’à sept heure est le fort du passage : elle dure cependant jusqu’à neuf ou dix heures de la matinée. On peut y tuer jusqu’à trois ou quatre douzaines de grives.

 

II.

 

Du Merle

 

Le merle est un manger moins délicat que la grive ; cependant, en hiver, lorsqu’il est bien gras, quelques personnes en font peu de différence. On le trouve dans les haies où il y a beaucoup de senelles, ainsi que dans les taillis, où il se tient caché dans les sépées les plus épaisses. C’est en battant les haies qu’on en tue le plus, sur-tout dans les temps de brouillard. Lorsqu’ils partent, ils filent le long de la haie, et vont se remettre à cent pas plus loin ; leur vol est plus droit et plus lent que celui de la grive, et ils sont plus aisés à tirer.

On vante comme un gibier exquis, les merles de la Corse, où il y en a une immense quantité, sur-tout dans les hivers secs et froids. Depuis la fin de décembre, que les neiges les forcent à descendre des montagnes, jusques vers la fin de février, la plaine et les côteaux en sont couverts, et ils sont si gras, qu’à peine peuvent-ils voler. Ce sont les baies de myrte dont ils se nourrissent qui les engraissent si prodigieusement, et leur donnent un parfum exquis. Les cantons où ils sont les plus excellens, sont ceux où il y a beaucoup de myrtes et peu d’oliviers. Ceux qui se nourrissent d’olives sont d’une graisse moins fine et moins délicate. Le plus grand nombre se prend avec des lacets de crin.

 

III.

 

De l’Etourneau.

 

L’étourneau vole toujours par bandes plus ou moins nombreuses, et ces bandes se mêlent souvent en hiver avec celles des corneilles, dont ces oiseaux paroissent aimer la compagnie. Il est très-difficile d’en approcher, soit qu’ils soient à terre, soit qu’ils soient dans les arbres. Ils aiment les hautes futaies, et se perchent toujours à la cime des arbres où ils gazouillent sans cesse. Quelques naturalistes prétendent que l’étourneau ne se nourrit d’aucune graine ni baie, et ne mange que des vers et insectes ; d’autres disent qu’il aime le raisin, et est fort bon à manger dans le temps de la vendange. La vérité est que cet oiseau est un manger fort médiocre, et que sa chair est un peu amère. Quelques chasseurs lui coupent la tête aussitôt qu’il est tué, pour lui ôter cette amertume.

 

 

 

 

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19/11/2016
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