Des grives aux merles

Des grives aux merles

Histoires de chasse.


Galatrat: une bergerie en Drôme Provençale.

  

 

Galatrat le livre (Copier) (2).jpg  Galatrat, c'est le nom d'une bergerie située sur le territoire de la   commune de Volvent.

  Volvent est une très petite commune française  située dans le   département de la Drôme (Diois).

  La commune s'étend sur 16,7 km² et compte 33 habitants depuis   le dernier recensement de la population datant de 2007, avec une   densité de 2 habitants par km².

 Julien Sciolla, prêtre à la retraite, raconte dans son livre l’histoire   de son pays.

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 Au jour le jour, nous suivons le quotidien de Joseph, berger à Volvent dans la Drôme, rythmé par les saisons et les plaisirs simples. Sa vie de solitaire en harmonie avec la nature lui laisse la liberté de méditer et d'acquérir quantité de connaissances.

   

Le livre : Auteur julien sciollaéditeur : Edilivre; Parution : 15/09/2016; 266 pages.

 

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... Joseph respectait la nature, ce qu'elle produit, sa vie mystérieuse, imprévisible, fragile et forte selon les saisons. Mais pour lui la nature n'était qu'un environnement nécessaire à l'homme comme l'eau la terre et le vent.L'homme, lui, était au centre de la nature ; celle-ci n'était qu'au service de sa vie, sa subsistance, sa joie, son avenir.

   La nature était la compagne amicale, maternelle, nourricière de Joseph. Les gens qui venaient de la ville, qui avaient appris la vie des plantes et des bêtes dans des livres savants l'agaçaient. Il ne comprenait pas ces gens. D'ailleurs ceux-ci ne ressemblent en rien à ceux qui vivent et travaillent au village. Ils parlent avec des mots savants qu'ils ont tirés dont il ne sait quel dictionnaire ! Ils arrivent au pays comme on s'habille à la ville ! Que ces gens puissent venir lui parler des droits de la nature, des droits des arbres, des rochers et des montagnes, des droits des brebis, des chèvres et des oiseaux ! cela dépassait le bon sens. A les entendre, l'homme serait devenu l'espèce nuisible par excellence, un désastre pour la nature !

    Ce qui le touchait au vif surtout, c'était leurs critiques impitoyables envers ces paysans qui dressent des pièges à grives (tendelles ou lecques) dans leurs montagnes, pièges qui, à les entendre, font périr ces oiseaux d'une façon barbare ! 

    Un cousin de Joseph, Germain Aubert, habitait à "Claménier", sur la commune de Petit-Paris, près du col Lescou. Avec son épouse Denise ils avaient élevé six enfants...Leurs revenus étaient fort modestes mais avec quelques poules, quelques chèvres, quelques lapins ils vivaient heureux. Germain continuait de poser discrètement des pièges à grives en certains endroits qu'il connaissait depuis tant d'années ! Il montait très souvent vers Angèle à "Belles- Rouvières".

    Un matin, d'assez bonne heure, Germain et Denise voient deux hommes, des garde-chasse, qui sans autre précaution leur demandent : " Conduisez-nous là où vous avez construit des pièges à grives ! ". Cette interpellation inattendue ne laissa pas à Germain le temps de préparer sa réponse et son embarras grandissant, les deux gardes le pressèrent de les conduire là où il dressait ses pièges. Ce qu'il fit sans rien dire, mais cherchant en lui-même qui avait bien pu le dénoncer.

    Germain signa le procès verbal. Il ne sut jamais qui l'avait dénoncé aux gardes. Mais quelques mois plus tard un procès eut lieu qui le condamna à une forte amende. L'affaire parut dans le quotidien régional et tous purent savoir qu'un paysan de la Haute-Roanne contrevenait aux lois protégeant les animaux, les capturait sauvagement avec des procédés barbares, les faisait horriblement souffrir et contribuait ainsi à la disparition de l'espèce ! 

    Germain Aubert eut son nom dans les journaux ! Je m'inquiétais auprès d'un ami journaliste, lui demandant s'il n'y avait pas d'autre chose à dire sur ces gens oubliés dans leurs terres ingrates ! J'ai su quelques jours plus tard qu'il avait fait un reportage sur les sportifs qui viennent faire du para-pente sur la montagne de Couspeau ! Vraiment on ne s'était pas bien compris ! Germain mourût peu de temps après !

 

    Joseph, notre berger, l'automne venu, s'inquiétait de la capture des grives. Les bergers rivalisaient entre eux dans cette chasse particulière qui leur venait de leurs lointains ancêtres. Ils savaient dissimuler leurs trappes et ne parlaient pas des lieux où les grives passaient le plus souvent. Joseph n'était pas le plus habile à cette chasse interdite par la loi mais que la tradition justifiait. Peut-être d'ailleurs se vantait-il moins que d'autres qui en rajoutaient toujours.

    Les " lèches " ne coûtaient rien. Rien dans les mains, rien dans les poches, qui pouvait se douter que le berger allait poser ses pièges ? Quand le troupeau chômait ou qu'il flânait en rentrant à la bergerie, Joseph cherchait une pierre plate assez large, celle qui justement devait tomber sur les oiseaux. Cette pierre était maintenue, dressée à l'aide de quatre bâtons: le " maître ", la "clé " et deux " tendons ". La " clé ", une petite tige de vingt centimètres, s'appuyait sur une pierre appelée " Sépou ". C'était la pièce maîtresse. Les " tendons " servaient au déséquilibre de l'ensemble. Un appât était fixé sous le piège, entre deux autres pierres posées à plat de chaque coté. Cet appât était en général une brindille de genièvre avec un maximum de graines.

    Mais mettre en place une " lèche " n'était pas si simple !  Voilà ce que devait faire notre berger :  

1.    trouver une lauze qui ne devait pas être trop grosse mais suffisante pour écraser la grive.

 2.   placer deux bouts de bois: "les dégeleurs " entre la lauze et le sol pour que le gel n'empêche pas la lauze de tomber sur la grive.

 3.   les deux pierres placées à plat de chaque coté de l'appât s'appelaient " les gardes " . Elles ne permettaient pas aux grives de s'échapper du piège.

 4.   le " sépou " est cette pierre sur laquelle s'appuyaient tous les bouts de bois en équilibre.

 5.   le " maître ", la " clé " et les " tendons " étaient les quatre petits bâtons qui permettaient de dresser le piège.

 6.   l'appât enfin devait être solidement fixé car les grives parvenaient à les tirer sans toucher aux tendons.

 

    La grive attirée par cette nourriture dont elle est friande se pose sur les tendons et la pierre dressée déséquilibrée tombe sur elle. " Nous montions plus de 2000 pièges, disait Germain de " la Crema " et nous mettions deux jours pour les relever ! Je me souviens d'un score maximum : 35 paires de grives le même jour ! "

 

    Si en certains endroits plus passagers les bergers dressaient les pièges en fin de journée, ils les levaient tôt le matin et les défaisaient pour que les promeneurs ne les repèrent pas.

 

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 " Le vent, qu'il soit du Nord ou du Midi est ici contrarié dans son passage. Il heurte Servelle quand il vient du Sud et Châteauvieux le freine quand il vient du Nord. Alors ce vent se met à tourner de colère dans cette vallée, close à l'Est par le col des Roustans et il tourne tant et tant que les anciens ont donné à leur village ce nom tiré du latin: VOLVENT ! " écrit J. Sciolla dans sa préface.

 

 Ψ

 

12 avril 2021

A mon tour, j'ajoute: "puisse ce vent purificateur chasser au loin les insultes,  les injures, les propos haineux, les mensonges nauséabonds qui se répandent à travers les réseaux a-sociaux et salissent nos belles chasses traditionnelles"

RG

 

 

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15/04/2021
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Les grives et le vieux garde chasse...

Je tiens, tout d'abord, à remercier M. Richard Colinet, auteur de cette belle histoire de chasse, pour son aimable autorisation de publication.

Elle figure en bonne et due place sur le très beau site d'élevage de pointers "de l'Escalayole" à Ensuès la Redonne, 13820.( http://lescalayole.chiens-de-france.com/pointer.html )

RG

 

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les grives de l'escalayole (Copier).jpg

 

 

  

Cette petite histoire est tellement savoureuse que je ne peux m'empêcher de vous la raconter, sachant quelle est réelle et nullement sortie d'un inédit de Marcel Pagnol...

 

La scène se passe dernièrement dans le restaurant de mon copain Thierry, chef cuisinier de son état et surtout chasseur de grives invétéré,

 

Dans la salle copieusement garnie, deux vieux Messieurs discutent du bon vieux temps et notamment  l'un des deux, ancien garde chasse, raconte ses sorties d'antan, les hécatombes qui s'en suivaient et bien sûr les oiseaux de paradis qu'il affectionnait plus que tout: " les grives ".

 

Avec force détails sur les brochettes dont il gardait un souvenir ému, mais dont il avait perdu le goût depuis belle lurette. 

 

Passant entre les tables à la fin de son service, Thierry tendit l'oreille et suivit quelque peu  le récit du vieil homme.

 

Emu par la passion encore intacte du vieux monsieur, le chef partit dans sa cuisine ouvrir le grand frigo pour en sortir un perdreau et une jolie poule faisane qu'il allongea dans une petite cagette de bois dans le fond de laquelle il avait pris soin de mettre un torchon blanc et quelques brins de Thym, en plein milieu il y déposa les 6 grives tuées la veille au soir, en prenant bien soin de lisser leurs plumes pour les rendre encore plus belles.

 

Il se dirigea vers la table des deux amis, il tendit le précieux présent au vieux garde chasse en le priant d'accepter ce petit cadeau, le grand-père ne pouvait plus parler, il regardait les grives avec des yeux d'enfant et quand il put enfin émettre un son il remercia, les larmes aux yeux, le restaurateur de cette si gentille attention.

 

A une table toute proche, deux dames avaient assisté à la scène et en payant l'addition l'une d'entre elles n'y tenant plus, dit d'une voix suffisamment forte pour que le trio entende, "moi, les grives, je préfère les entendre chanter ! "

 

Le chef se retourna et du tac au tac répondit :"moi aussi, MADAME, je préfère quand elles chantent!... surtout dans la cage, quand elles appellent les autres!"

 

Les deux clientes se levèrent et prirent aussitôt la direction de la sortie avec une tête qui en disait long sur leurs sentiments.

 

Le restaurateur avait bien compris qu'il venait de perdre deux clientes, mais le plaisir que lui procurait le sourire béat du vieux garde le valait bien.

 

Je sais que depuis cette rencontre, chaque semaines, les deux amis font le déplacement de Marseille à Nans-les-Pins afin de déjeuner chez le "chasseur de grives" ...

 

Si vous passez par là, arrêtez vous pour manger au Domaine " la Tuilière" vous pourrez dire à Thierry BOLLA le chef, que c'est moi qui vous ai raconté la petite histoire... des grives, du garde chasse, et des deux grincheuses.

 

Richard COLINET

 

 


02/09/2016
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