Des grives aux merles

Des grives aux merles

La carabine 9 mm de mon père.

Ah! qu'elle était jolie la carabine de mon père!

Qu'elle était jolie avec son fin canon, d’un noir bleuté, terminé par un grain d’orge en laiton, sa culasse jaspée et son élégante crosse de bois verni.

A l’armement du chien plat, strié sur le dessus, la culasse à « tabatière » se soulevait légèrement. En la faisant pivoter autour de son axe, sans aucun jeu, elle faisait saillir l’extracteur, dévoilant alors la chambre…

C’était une carabine de calibre 9mm Flobert, à percussion annulaire, système Warnant.

Très petit calibre, sans doute, mais elle avait tout d’une grande !

9mm damon (Copier).jpg

 

 

Les munitions étaient à l'échelle de la carabine, c'est à dire minuscules.

Vendues en boites métalliques de 50 cartouches, de la marque Manufrance ou Gévelot, elles existaient en simple et en double charge (la 9 mm magnum, en quelque sorte!).

Ces mini-cartouches à la douille de carton plutôt mince, marbrée de vert, comportaient un petit culot de cuivre.

Mon père ne tirait que des "double-charge", soit environ 10 g de plomb, les simple-charge étant par trop faiblardes.

Chargées à la poudre noire, elles dégageaient, après le tir, culasse ouverte, une spirale de fumée et un parfum enivrant. 

 

 

    9mm flobert 2 (Copier)_crop_crop.jpg  9mm flobert 1 (Copier)_crop.jpg 

 

Muni de cette "arme de destruction massive", progressant d'arbre en arbre, mon père tentait d'approcher moineaux, pinsons et gros-becs sans se faire remarquer...

Compte tenu de la portée limitée de l'arme (15 m, grand maximum) et de la faiblesse de la charge, grives, merles et étourneaux étaient classés dans la catégorie gros gibier et n'étaient envisageables qu'au poste.

Il était, bien entendu, exclu de tirer au vol!

Son territoire de chasse, c'était le poulailler, très attractif pour les moineaux, ainsi que l'allée de platanes qui y conduisait. Au delà, il y avait le parc et le bosquet du château, le rideau d'arbres qui bordait le canal, la longue allée de chênes du monastère, le verger de pêchers et son épaisse haie de cognassiers dans laquelle était habilement dissimulé un poste et enfin les buissons et arbustes qui longeaient les nombreux fossés qui quadrillaient jadis la campagne.

D'un naturel peu patient, à la chasse il me surprenait toujours par son calme et sa constance. Et en dépit de la petitesse de l'arme et de sa portée réduite, il réussissait d'assez jolis tableaux.

Il y avait, néanmoins, une ombre au tableau. Cette carabine avait son talon d'Achille: c'était la munition. En effet, le coup de feu tiré, il fallait extraire la douille. Il y avait, justement, un extracteur pour ça, qui une fois sur trois ou quatre, arrachait le culot de cuivre, laissant le tube en carton de la douille dans la chambre. Parfois, même, des morceaux de papier déchiquetés restaient coincés dans le canon de l'arme. Souffler dans le canon, utiliser un canif, tailler une branchette passablement droite, tous les moyens étaient bons pour tenter de remettre l'arme en état de tir. Le problème fut finalement résolu par l'emploi d'un long morceau de fil de fer redressé recourbé en forme de crochet afin de le suspendre à la ceinture. Solution heureuse qui m'épargnait les bordées de jurons paternels, où le Seigneur en prenait pour son grade!

Cette époque est, maintenant, bien lointaine qui me voyait le suivre pas à pas, d'arbre en arbre, rapportant les oiseaux tués ou blessés et ramassant les douilles dont je humais la délicieuse odeur de poudre noire.

Il me semble encore le voir, scrutant la cime des arbres, la carabine pressée contre sa poitrine, actionnant son appeau à soufflet pour les grives...

C'était, il y a si longtemps... Il est maintenant au Pays des Chasses Eternelles... Papa...

RG 


Notes techniques sur la carabine de mon père et sur les munitions calibre 9 mm Flobert.

 

-La carabine:

Cette carabine, je ne l'ai plus, depuis longtemps, en ma possession.

D'après mes souvenirs, toutefois, il semblerait que c'était une carabine de marque Damon, à fermeture système Warnant, acquise dans les années 1950.

N'ayant jamais eu l'occasion de l'utiliser, j'ignore quelle était sa précision.

Quand à sa portée utile, elle est donnée pour 15 mètres maximum.

Calibre réel: 8,83 mm; longueur de la chambre 10,6 mm

 

-Les munitions:

En 1849, un armurier parisien, Louis Nicolas Flobert invente la première cartouche à percussion annulaire.

Destinée à l'origine à tirer une petite balle ronde de 6 mm, elle sera déclinée rapidement en divers calibres tirant des balles de: 4, 6, 7 et 9 mm, à balles rondes ou pointues.

 

Balles 9mm Flobert (Copier).JPG   

 

S'agissant du calibre 9 mm, l'étui de la balle mesure 8,65 mm de diamètre et 10,40 mm de longueur (hors bourrelet).

Sur cette base, il sera fabriqué une cartouche dite 9 mm, chargée à plombs, constituée d'un culot de 10,25 mm de long (hors bourrelet) et de 8,83 mm de diamètre.

Ce culot est prolongé par un corps en carton de longueur variable (sur le schéma ci-dessous, 20,75 mm), occupant une partie du canon.

Ainsi, la longueur de la cartouche dépend uniquement de la charge, simple ou double ou autre encore. 

 

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Pour illustration et pour le plaisir des yeux: un tableau de munitions des Etablissements Gévelot.

En partie basse, de droite à gauche: cartouches 9 mm simple et double charge, poudre noire; centre, bas: balle ronde et balle conique; à gauche: simple et double charge, poudre sans fumée.

 

 tableaux-decoratifs-munitions-01.jpg

 

 

Les problèmes d'arrachage du culot lors de l'extraction semblent aujourd'hui résolus par l'adoption d'étuis en métal (en laiton ou nickelés), du moins dans les carabines de fabrication récente.

A noter que l'emploi de ces nouvelles douilles dans des armes anciennes a pu, parfois, causer quelques problèmes: douilles fendues ou difficiles à extraire.

 

 tunet-petit-calibre (Copier).jpg

 

-Chargements actuels et performances:

Peu d'informations sur ces cartouches. Seule, la firme Fiocchi fournit les données suivantes pour ses cartouches:

- Plomb: 7,5 grammes

- V0: 200 m/s

- pression: 800 bars

- N° de plombs: 6, 7,5, 8, 9, 10, 11

 

Charge de plomb de 10,5 g pour le cartouche métallique de la Cartoucherie Française.

RG 

 



22/01/2016
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